Dans une mairie ou un conseil régional, vous pouvez perdre votre emploi, et continuer à être payé, parfois pendant des années ! Comment est-ce possible?
C’est le cas de Françoise*, ancienne employée de mairie. En 2010, son poste a été supprimé, elle s'est retrouvée sans emploi. Depuis, elle a fait quelques missions de remplacement, mais n'a jamais retrouvé de poste permanent. Pourtant, aujourd'hui elle touche encore une partie de son salaire: 1441 euros. "J'ai perdu un tiers de mon salaire, ce qui correspondait aux primes." précise-t-elle.
Tout cela est légal, l’administration lui a même donné un nom: Françoise est une fonctionnaire momentanément privée d'emploi, un statut unique à la fonction publique territoriale. Son ancienne mairie continue à payer son traitement tant qu’elle n’a pas retrouvé un nouveau poste. Obligation pour elle: prouver qu’elle recherche un emploi.
Alors, toutes ces années, elle n’est pas restée les bras croisés. L’an dernier, elle a envoyé 120 CV. "Par exemple, là c'est une candidature pour un poste de responsable administratif", dit-elle en feuilletant toutes les lettres de motivation qu'elle a précieusement gardées. "Mais, je n'ai pas été retenue. C’est humiliant. Ça me gêne d’être à la charge du contribuable."
Les collectivités n’ont pas l’obligation de recruter quelqu’un comme Françoise. Résultat: au 1er septembre dernier, ils étaient 440 fonctionnaires territoriaux dans cette situation.
Et pour certaines collectivités, ça pèse sur les finances.
A Sainte-Savine, dans l’Aube, un ancien Directeur général des services fait la une des journaux. Il y a 10 ans, le maire ne renouvelle pas son contrat mais aujourd’hui encore ce fonctionnaire coûte plus de 4000 euros chaque mois à cette commune de 10 000 habitants. Un scandale pour certains élus de l’opposition: " Pour son traitement brut et les charges sociales, la commune verse 4197,02 euros", précise Dominique Leblanc, conseiller municipal. "En 10 ans, ça fait 500 000 euros. Ça représente des emplois pour nos jeunes, pour nos anciens, pour nos associations...” "C'est ubuesque", ajoute Karl D'Hulst, lui aussi conseiller municipal.
Alors pourquoi ce fonctionnaire n’a-t-il jamais retrouvé de poste en 10 ans ? Ni lui, ni le maire n’ont souhaité nous répondre. C’est le centre de gestion du département, sorte de pôle emploi pour fonctionnaire, qui nous explique: "Cet ancien Directeur général des services fait des tas de recherches d’emplois. Sauf qu’il a un grade qui ne lui permet pas d’être recruté dans une commune de moins de 10 000 habitants. Dans le département de l’Aube, avec les établissements publics, il y a 7 collectivités qui peuvent recruter éventuellement, c’est tout". Le centre de gestion précise que le fonctionnaire a envoyé une cinquantaine de candidatures dans toute la France rien que l'année dernière.
440 fonctionnaires sans affectation, combien cela coûte-il? L’administration n’a pas fait le calcul. Seule certitude, ce sont plusieurs millions d’euros chaque année.
Pour inciter ces fonctionnaires à retrouver plus vite du travail, la loi prévoit de diminuer progressivement leur salaire. Mais obliger les collectivités à les embaucher? Là-dessus rien n’est prévu.
*Le prénom a été modifié.