Les attentats du 13 novembre dernier étaient préparés de longue date. L'histoire d'un homme, Reda H. raconte ce qui apparaît comme l'ultime répétition avant les attaques qui ont fait 130 morts et plus de 400 blessés.
Nous sommes en août 2015, Reda H. est auditionné par les agents de la DGSI de retour de Syrie. Il décrit les motivations de son départ aux enquêteurs : "La loi de Dieu n’est appliquée nulle part sur terre. Seul l’Etat islamique prétend l’appliquer (...) alors j’étais curieux de voir, j’y suis allé (...) Je devais témoigner, voir de mes propres yeux (...) Je ne crois pas les médias qui racontent des mensonges."
Interrogé sur sa foi par les policiers, Reda H. confie par exemple être "d’accord avec le principe de couper la main d’un voleur", tout en affirmant que "cela ne doit s’appliquer qu’à des récidivistes". Reda H. a quitté la France en mai 2015. A sa mère, il dit partir en vacances en Grèce, mais sa destination est la Turquie. Il séjourne quelques jours au bord de la mer avant de gagner Gaziantep à la frontière syrienne. Puis il se rend à Raqqa, la capitale de Daech.
"Si on te passe de quoi t’armer, est ce que tu serais prêt à tirer dans la foule ?"
A Raqqa, le Français est placé sous les ordres d’un certain Abou Omar, le nom de guerre du terroriste Belge, Abdelhamid Abaaoud. "(Abdelhamid Abaaoud) m’a demandé si ça m’intéresserait de partir à l’étranger. Il m’a dit : par exemple imagine un concert de rock dans un pays européen, si on te passe de quoi t’armer, est-ce que tu serais prêt à tirer dans la foule ? (...) Il m’a précisé que le mieux, après, c’était d’attendre les forces d’intervention sur place et de mourir en combattant avec des otages."
Ce scénario, c’est au mot près celui du Bataclan. Reda H. demande à réfléchir. Pendant trois jours, Abdelhamid Abaaoud entraîne sa recrue. Mais le temps presse. "(Abdelhamid Abaaoud) m’a dit qu’il fallait bientôt y aller parce que mon passeport était bientôt périmé (....) Pour trouver des armes, il m’a dit qu’il n’y avait aucun souci pour se fournir (...)"
Reda H. accepte la mission. Pour fuir la Syrie et non pour tuer en France. “J’ai dit OK dans la seule optique de sortir de ce bourbier (...) Ces mecs me demandaient de faire des trucs de malade.”Abdelhamid Abaaoud lui conseille un itinéraire pour rentrer en France, sans éveiller les soupçons et lui donne 2.000 euros et son numéro de téléphone turc.
"Tout ce que je peux vous dire c'est que cela va arriver très bientôt"
Reda H. effectue une première escale en République tchèque avant d'atterrir aux Pays-Bas. Puis il traverse la frontière belge et rentre en France en Thalys. Dans le train, il a jeté le numéro de téléphone d’Abaaoud. Au bout de deux mois de liberté, Reda H. se fait arrêter le 11 août 2015.
Ce dernier ne cessera de répéter aux enquêteurs qu’il n’a jamais eu l’intention d’accomplir sa mission. Mais il les avertit de l'imminence d'un attentat. “Tout ce que je peux vous dire, c'est que cela va arriver très bientôt. Là-bas c'était une véritable usine, et ils cherchent vraiment à frapper en France ou en Europe. (...) Le plus dangereux c'est les gens que vous n'avez pas fichés, que vous ne connaissez pas. Un seul (Abdelhamid Abaaoud) en France et c'est le drame.”
La déposition est datée du 13 août 2015. Trois mois plus tard - jour pour jour - Abdelhamid Abaaoud et ses complices tuaient 130 personnes et en blessaient des centaines d’autres à Paris, et à Saint-Denis.