Autre auteur du blog je reviens sur le blog après quelques jours d'absence..... Stupéfaction !!!! L'énorme quiproquo engendré par le débat sur les touchers pelviens pratiqués par les étudiants en médecine est effrayant.
Accusations de viol
En lisant les commentaires (pas les 138 de la 1ère à la dernière ligne, je l'avoue) je me suis rendue compte qu'on est passé d'une question sur l'apprentissage d'un geste technique de l'examen clinique du médecin à des propos du genre "viol" "patiente qui se fait tripoter" "être transformé en rat de laboratoire" "sexisme" "les médecins sont des commerçants" ...
Dans le débat, chacun y va de son exemple, personne ne se comprend, et la vérité est déformée dans tous les sens !
Pour essayer de comprendre, je repars du début, du centre du débat (qui s'est étendu depuis).
Il est reproché aux étudiants en médecine d'avoir - dans leurs objectifs pédagogiques de stage - l'apprentissage d'un toucher vaginal, si possible au bloc opératoire sous anesthésie générale.
Pour commencer, je n'ai jamais vu cela écrit noir sur blanc dans un objectif de stage. Ce n'est pas dans les objectifs du programme officiel non plus. On doit juste apprendre à faire des touchers vaginaux et à identifier les pathologies qu'il permet de détecter, mais après, qu'on le fasse sur patiente endormie ou réveillée, peu importe a priori !
Comment comprendre cet ajout de la fac de Lyon ? Pour ce genre de geste "pas agréable", tant qu'à faire autant le faire pendant l'anesthésie pour moins de désagrément pour la patiente, et probablement que des muscles plus détendus aident à sentir mieux les structures anatomiques. Soit, je n'ai pas eu cette chance, mes patientes non plus, toutes étaient éveillées quand j'ai appris.
Fausses idées, croyances et incompréhensions
Autour de ce débat central se sont développées les idées ou croyances qui l'ont fait dériver, rappelons donc :
- Personne ne subira un toucher vaginal s'il vient se faire opérer de l'oreille ou de l'épaule ! C'est bien sûr au cours d'une intervention gynécologique, digestive ou urologique que ce geste est utile et important.
- De cela en découle qu'évidemment la patiente a préalablement signé un consentement pour cette intervention chirurgicale, papier médico-légal obligatoire et sans lequel le elle ne rentre pas au bloc opératoire ! Le chirurgien l'aura donc évidemment informée des gestes réalisés et du passage par les "voies naturelles" pour des gestes techniques et des vérifications cliniques. S'il ne l'a pas fait il est évidemment en tort, et il y a certainement des mauvais médecins qui communiquent mal, tout autant qu'il y a des mauvais dans tous les domaines professionnels. Après, que ce soit le chirurgien ou l'étudiant qui le réalise, le geste au sens technique reste le même.
- Un autre point qui en découle aussi, c'est que dans ces contextes opératoires ce geste est évidemment utile pour la santé de la patiente ! Jamais je n'ai vu faire un toucher vaginal à une patiente qui n'en a pas besoin.
- Non, ce n'est pas un problème de sexisme, non-respect de la femme (avec l'immense féminisation de la médecine, ce serait un comble !). Les hommes ont le droit à leur touchers rectaux pour la prostate aussi !
- Il n'y a aucune violence, aucune menace, aucune contrainte, aucune surprise. Le respect de la personne est toujours au premier plan, dans les gestes, la douceur, les propos. Un geste médical n'est en aucun cas comparable à un viol !!!!!!
- JAMAIS je n'ai vu d'étudiants faire la queue leu-leu pour un toucher rectal au bloc et JAMAIS je n'ai fait un geste inutile sur un patient dément Alzheimer. JAMAIS on ne m'a demandé de faire, JAMAIS je n'ai fait ni n'ai vu faire un geste injustifié sur un patient sans qu'il ne soit au courant.
Je suis donc choquée par les témoignages d'étudiant cités dans vos commentaires.
Un CHU soigne et enseigne, en même temps
Pour ce qui est de l'acceptation de l'enseignement aux étudiants en hôpital universitaire, le débat est plus complexe. Oui, un hôpital universitaire a pour double mission de soigner ET d'enseigner.
Mais évidemment, on prévient les patients qu'il y a des étudiants qui participent à leur prise en charge. Et en tant qu'étudiant, la première chose que l'on apprend est d'aller se présenter à tous nos patients, en arrivant dans un service, dans une chambre, dans un box des urgences ou au bloc opératoire, et ce, que l'on soit l'acteur principal de l'instant ou le "poteau observateur" derrière le chef.
On demande le plus souvent au patient s'il est d'accord pour répondre aux questions, être examiné, etc.
Mais dans nombre de situations cela ne va pas être possible, et notamment dans les situations d'urgence. Tout le monde sur cette planète ne peut pas se déplacer avec un papier dans le portefeuille stipulant : "Si un jour, je fais une crise cardiaque et un arrêt cardiaque, j'autorise l'étudiant stagiaire à apprendre la réanimation et le massage cardiaque sous l'œil de son chef : oui/non (rayer la mention inutile)." Et pourtant il va bien falloir que cet étudiant apprenne un jour, afin qu'il soit un médecin senior responsable avec une expérience adéquate.
L'ère de la "paperassisation"
A l'ère de la "paperassisation" de la médecine, de l'explosion du travail administratif pour les médecins, et du développement du judiciaire et médico-légal en médecine, on ne s'en sort plus. Alors s'il faut ajouter au consentement global d'une prise en charge, un consentement pour une liste de chaque étape et possibilités, ça devient difficile.
"Vous allez être opérée...bla-bla-bla.... Utérus....bla bla bla .... Voie naturelle...bla-bla-bla
- Si un élève infirmier est présent dans la pièce ce jour-là acceptez vous qu'il pose votre perfusion
- Si un élève infirmier de bloc opératoire est présent ce jour-là, acceptez vous qu'il pose votre sonde urinaire
- Si un étudiant en médecine de gynécologie est présent ce jour-là, acceptez-vous qu'il tienne les écarteurs/réalise un toucher vaginal/palpe votre abdomen/etc
- Si jamais vous faites une hémorragie, acceptez-vous que l'élève infirmier s'occupe de la transfusion etc etc"
Bref, c'est un exemple mais la médecine est tellement tellement vaste qu'il y aurait des milliards de scenarii à envisager pour des milliards de consentements à inventer. Alors le consentement est en général simplement global et ça suffit.
Autant, je trouve qu'il est un peu "plus" compréhensible (même si ça me gêne de le formuler ainsi) qu'un patient refuse l'étudiant quand il s'agit d'un geste "dangereux" ou douloureux - et je propose dans ce cas d'en discuter avec le patient pour le rassurer sur l'encadrement adapté de l'étudiant, la présence d'un médecin expérimenté pour guider, surveiller et prendre la main si besoin- , autant je refuse (dans mes principes personnels car ça arrive fréquemment et que je n'y peux rien) qu'un patient n'accepte pas de répondre aux questions de l'étudiant et ne se laisse pas examiner, sachant que le geste n'a aucune conséquence sur son état de santé. En effet, si l'on est vraiment dérangé par cela, il ne vaut mieux pas aller en hôpital universitaire, il y a d'autres hôpitaux publics non universitaires et privés.
Si l'hôpital public n'est plus en mesure de former les médecins, c'est la fin. J'espère pour vous, Messieurs, que l'on ne passera pas à côté de votre cancer de la prostate parce que le médecin qui vous fera votre toucher rectal n'aura pu palper aucune tumeur pendant son stage d'externe en urologie faute de consentement...
J'espère que jamais vous n'aurez une méningite devant un médecin senior (et donc seul responsable) qui fera sa première ponction lombaire sur vous sans personne pour lui montrer, l'aider et le guider, juste parce qu'il n'aura pas pu en faire au cours de ses études alors que tout était fait pour qu'il soit encadré comme il faut pour un geste parfait.
Anecdote récente
Ca me rappelle une histoire récente. J'avais reçu en hospitalisation une patiente d'une quarantaine d'année qui avait vécu un traumatisme dans l'enfance puis dans l'adolescence où elle avait eu des opérations répétées et subi les visites et staffs des années 70 où le patient était examiné en amphithéâtre sans un "Bonjour", sans une présentation nominative, comme un morceau de chair. Pratique écœurante. Elle m'a confié dès son arrivée être angoissée à l'idée d'être dans un hôpital public et d'avoir affaire à des visites professorales et des étudiants. Nous nous sommes mis d'accord pour chaque point de son hospitalisation sur ce qu'elle acceptait, refusait, préférait etc. Elle a évidemment tout choisi. Et évidemment l'équipe dans son entier a respecté ses choix.
La relation médecin-patient est avant tout basée sur la confiance.
Sans confiance, il n'y a pas de bonne relation et pas de bon soin.
Le consentement a une place primordiale dans la pratique, ainsi que le respect de la personne. On l'apprend dès la première année.
Quand je travaille, avec mes patients, j'imagine toujours que chaque jeune femme, c'est moi, que chaque dame d'âge moyen est ma mère et que chaque dame âgée est ma grand-mère
J'agis et je fais agir mes externes comme si c'était moi, comme si c'était eux, comme si c'était nos proches.
Tout le monde préfère être soigné par le grand professeur, ne pas se faire couper les cheveux par l'apprenti du salon de coiffure, ne pas être dans l'avion du nouveau pilote stagiaire pour son premier atterrissage, et que son enfant ne soit pas dans la classe du jeune prof fraîchement diplômé.
Et pourtant. Il y a toujours une première fois.