Décidément, la neige sera correctement tombée cet hiver. Et voilà qu'elle revient balayer le nord de la France. Si l'épisode s'annonce remarquable pour son intensité et sa durée, le mois de mars n'est pas exempt, dans l'histoire météorologique, de quelques belles surprises. Ainsi, entre le 1er et le 3 mars 1946, il tombe jusqu'à 40 cm de poudreuse dans la capitale ! Et même 55 cm sur la plateau de Saint Quantin-en-Yvelines. Si la neige bloque la circulation et en mécontente certains, osons le dire, elle nous enchante aussi et nous fait rêver.
Marcel Proust était plus que sublimé par cet or blanc tombé du ciel. Pour lui, ces "visions de neige dégageaient peut-être plus de poésie qu'il n'y en est contenu. Une épaisseur d'impressions les revêt, si mystérieuse, si poétique que j'approche d'eux avec le sentiment d'approcher quelque chose d'infiniment plus réel que le reste de la vie, de presque divin"...
Que faire quand il neige ? La laisser tomber. Au sens propre comme au sens figuré. C'était la philosophie du sieur normand Auguste Le Flaguais en 1840, qui, grâce à la "chaste demoiselle", écrit un joli poème:
LA NEIGE
J’entends à l’envi murmurer :
« GrandDieu, quel temps épouvantable ! »
Pour moi, qui viens de murmurer,
Je passe mon hiver à table.
Je fume et bois au coin du feu
Comme un pêcheur de la Norwège,
Sans jurer contre le bon Dieu
Et je laisse tomber la neige.
Il neigeait : -charmant souvenir !
Un soir au rendez-vous j’arrive;
Que de baisers pour retenir
Rose qui s’enfuyait craintive !
Rose avait tout au plus quinze ans,
Et moi je sortais du collège;
L’amour nous dit : « heureux enfants,
« Laissez, laissez tomber la neige! »
Prêtres et rois, peuple souffrant,
Tour-à-tour bourreaux ou victimes,
Le monde est teint de votre sang:
Peu de vertus ! combien de crimes ! -
Envers la sainte humanité
Pour voiler plus d’un sacrilège,
Dieu, sur ce globe ensanglanté
Laisse longtemps tomber la neige !
Aujourd’hui si nous sommes vieux,
Exhumons ces premières joies,
Lorsque nous cherchons dans les cieux
La vieille qui plumait ses oies.
D’égayer les sombres autans
Elle avait l’heureux privilège.
Adieu ! quand on n’a plus sept ans,
Les plaisirs purs comme la neige !
Que sur les peines d’ici-bas
La philosophie argumente !
Chers amis, ne l’écoutons pas;
Assez la raison nous tourmente.
Les maux qui pèsent sur nos jours,
La femme seule allège;
Printemps, hiver, aimons toujours,
Et puis laissons tomber la neige.
Au fait, savez-vous à quand remonte la première bataille de boules de neige filmée ? 1896, grâce au français Louis Lumière. À l'époque on avait pas les boules, dès qu'il tombait trois flocons...