Allaiter l'enfant d'une autre : ça vous choque ?

© Emma Defaud

C'est bien la première fois que je vois un journal de droite ne pas faire l'apologie de l'allaitement maternel. Vendredi, le Figaro a publié un article qui soulignait que donner le sein pouvait provoquer "staphylocoques, streptocoques notamment, avec risques de septicémie ou encore de méningite chez le nouveau-né". Pourquoi ce message soudain alarmiste alors qu'on vante si souvent les vertus quasi magiques du lait maternel ? Parce qu'il s'agit de dissuader les femmes d'allaiter les enfants des autres.

Il faut dire que la petite annonce à l'origine de l'article du Figaro est assez inhabituelle : une jeune mère y met ses boobs en location pour la modique somme de 100 euros par jour.

Je suis une jeune maman en pleine santé, infirmière de formation, 29 ans, et loue mes seins pour l'allaitement de nourrissons. Je suis sur la région parisienne, me déplace. Et en une journée je propose jusqu'à une dizaine de prises pour votre bébé. Les couples d'hommes homosexuels n'ont pas la chance de pouvoir allaiter leur bébé, or l'allaitement permet aux bébés d'être en meilleure santé. En effet le lait maternel fournit des nutriments complets.

Ne nous arrêtons pas sur cette histoire de "couple d'hommes homosexuels" (les papas homos ou hétéros sont généralement très heureux de pouvoir nourrir leur enfant grâce au biberon, oui, oui, madame). C'est tellement énorme que je me demande même si ce n'est pas une fausse annonce mise en ligne par les tenants de la Manif pour tous.

Il faut dire que moi même...

Pour autant, la proposition fait écho à une histoire personnelle. Pour mon premier enfant, j'ai accouché, à une semaine près, en même temps qu'une copine et voisine. On passait pas mal de temps ensemble après la naissance des monstres. Et je me souviens avoir imaginé d'échanger les bébés au moment à l'allaitement. Comme ça. Pour voir leur réaction. Oui, j'ai toujours eu un côté petit chimiste. Finalement, j'ai fermé ma gueule, j'ai eu peur de me faire mettre à la porte. Et après va trouver quelqu'un d'autre pour la sortie poussette en plein mois de juin.

Mais c'est vrai que je trouvais l'expérience assez tentante.

But lucratif

Au fond, ce qui me marque davantage dans cette petite annonce en ligne, c'est qu'il a fallu attendre 2013 pour donner un second souffle au métier de nourrice. Il ne s'agit pas uniquement de donner le sein à un enfant, mais d'être payée pour le faire. Tous ces efforts vers le progrès pour de nouveau louer notre corps.

Pourtant la loi a bien prévu que "la collecte, la préparation, la qualification, le traitement, la conservation, la distribution et la délivrance sur prescription médicale du lait maternel mentionné au 8° de l'article L. 5311-1 sont assurés par des lactariums" gérés "sans but lucratif", mais l'allaitement direct entre-t-il dans ce cas de figure ? Pas sûr.

Mise à jour : J'ai reçu ce lundi la réponse de l'auteure de la petite annonce :

Bjr, Je ne voulais pas faire polémique ni communiquer sur ça, mais juste rendre service a des bébés. J'ai reçu pas mal de demandes, plus d'une dizaine. Personne n'a critiqué ma démarche pour l'instant. Bonne journée

A lire aussi : sur le sujet, je vous recommande le très chouette article d'une blogueuse canadienne qui raconte l'expérience de mères allaitant d'autres enfants, moins alarmiste que Le Figaro.

Publié par Emma Defaud / Catégories : Actu