Une nounou voilée

Parler de Florence Aubenas à un journaliste, c'est un peu comme de parler de saint Pierre à un chrétien : on aimerait bien avoir la chance d'être aussi proche de Dieu.

Je suis journaliste. Hier, j'ai lu un article de Florence Aubenas. Elle racontait en quelques lignes comment une mère-parfaite-mais-surbookée avait refusé d'embauche une baby-sitter en lui claquant quasiment la porte au nez. La jeune fille avait pour seul défaut d'être vêtue d'une grande robe noire voilée. Un ensemble qu'on nomme jilbeb. La mère était trop effrayée. Houuuu l'islamophobe.

Je me suis mise évidemment à la place de cette mère-parfaite-mais-débordée. Ma fille a passé deux ans chez une nounou adorable et voilée. Nous avions un peu peur au moment du ramadan car la dame avait un certain âge et nous craignions le malaise. Mais qu'elle soit musulmane n'a jamais été un problème.

Moi, je suis athée. Je raconte à mes enfants que Jésus a des super-pouvoirs, un peu comme Spiderman, et qu'il peut marcher sur l'eau. Au baptême de ma nièce, ma fille de 3 ans à l'époque m'a questionnée sur le monsieur qui avait l'air mal en point sur la croix. Quand je lui ai expliqué que des méchants avaient torturé Jésus, elle a fondu en larmes et alors qu'on bénissait sa cousine, elle hurlait : "Je suis triste pour Jésus-u-u-u."  Moi j'étouffais mon fou-rire et lui répétais qu'on n'était pas bien sûr pour les super-pouvoirs.

Bref, je suis athée.

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Mais pour autant, aurais-je embauché une baby-sitter en jilbeb ? Je ne sais pas. Ça me chiffonne. Je n'ai rien contre l'islam en particulier mais je n'aime pas trop que les femmes et les hommes ne partent pas sur un pied d'égalité. Un voile traditionnel m'est totalement indifférent. Mais dissimuler davantage son corps, ça m'embête, moi qui me suis tant battue contre les mains au cul au collège et qui ai dû assumer mon droit à m'habiller comme je le souhaitais (comprendre des bagarres quand j'étais ado et une certaine perte de crédibilité professionnelle une fois adulte). Et pourtant, ne subit-elle pas la même chose : perdre de la crédibilité professionnelle en raison de son droit à s'habiller comme elle le souhaitait ? Bien sûr, je n'aurais pas claqué la porte au nez de la demoiselle, mais qu'elle prête autant d'importance à une religion m'aurait gênée. Au point de renoncer à lui confier mes enfants ?

Cette pensée est coupable, surtout quand sa condamnation implicite émane d'une papesse du journalisme de société. Culpabilisante aussi, quand on constate que ces jeunes femmes très voilées se sentent rejetées de la société. Ah, ce serait si simple si Jésus et Allah se battaient contre le Joker...
Publié par Emma Defaud / Catégories : Actu