En voiture ! (ou devenir folle)

Flickr / jinterwas

Il y a une phénomène étrange de résilience avec les voyages en voiture. Comme on a goûté au supplice du train ou de l'avion, on oublie à quel point ça peut être relou la voiture.

Par exemple, on se dit toujours : "Et si on partait juste après le déjeuner comme ça les enfants feront la sieste dans la foulée !" Génial : pendant une heure et demie, on aboie sur les enfants surexcités, finalement l'un s'endort et l'autre pas. Le second finit par tomber de sommeil quand on arrive sur le périph à 18 heures et pleure toute la soirée parce qu'il se réveille grognon.

On se dit toujours : "C'est cool, on a acheté le double DVD portable pour la voiture pour la modique somme de biiiip, on va être tranquille". Mais qui se retrouve à se contorsionner entre les deux sièges enfants pour trouver le menu français et à entendre les monstres chanter pour la millième fois des vacances "C'est l'histoire de la vi-ie, du cycle éterné-é-é-el" ? Parce que les deux paires d'écouteurs évidemment, on n'a pas pensé à les acheter.

On se dit toujours : "On va faire une pause à la station service pour se dégourdir les jambes, boire un café et prendre l'air". Et on se retrouve à trainer la réplique de l'héroïne de L'Exorciste en dehors du magasin sous les yeux de tous les clients, parce qu'elle veut un Yop et qu'on n'a pas envie de céder, surtout pour une petite fille qui a refusé de faire la sieste. Ne pas oublier de surveiller le grand qui est très tenter de voler un avion miniature vendu à un prix exorbitant et dont il oubliera l'existence en deux heures.

On se dit toujours, en arrivant à proximité de Paris, qu'on voit le bout du calvaire. On oublie le périph bouché, les travaux du tram, le ralentissement inexpliqué, et surtout la surexcitation des gamins qui se disputent pour savoir si un camion de pompier fait "pimpon" ou "pilonlip". Ce qui dégénère très vite en "pin-beurre-chocolat" puis "pin-tunnel-caca" dans des cascades de rires suraigus qui font du bien à la sérénité. Quand la petite s'écroule de fatigue, il faut encore composer avec les questions du petit génie : "Quel est le pays le plus habité du monde ? Et le deuxième ? Et le troisième ? Et le pays le moins habité du monde ?" "Et si le requin mako est le plus rapide et le requin blanc est le plus grand, lequel est le plus lent ?"

Finalement, l'un des trucs les plus pénibles en voiture, c'est qu'on ne peut pas sévir. On les prive de dessins animés pour toute leur existence, on crie, on s'énerve, mais concrètement, on ne peut rien faire. Pas de punition au coin, pas de fessée, pas de "va dans ta chambre"... Rien, à part se retourner et leur coller une mandale. J'y ai pensé, j'avoue, mais c'est contraire à ma religion. J'ai même fantasmé un peu dessus, je le reconnais.

Bref, je pensais que la voiture, c'était relou. Mais, à l'aller, on a fait la route en amoureux. On avait traitreusement envoyé les monstres en train avec leur grand-mère quelques jours plus tôt. Cinq heures de route à deux. Révélation : on pouvait même avoir des discussions. Du genre : est-ce qu'on peut encore penser que Bertrand Cantat est un mec bien ? David Gilmour, le guitariste de Pink Floyd, est bon dans The Wall mais il déchire dans Animals. Duflot et Hidalgo peuvent-elles se présenter l'une contre l'autre à Paris en 2014 ? Kiera Knightley joue super bien la folle qui se fait fesser par Fassbender dans A dangerous method." Etc.

Le problème, ce n'est donc pas la voiture. C'est relouto et relouta.