Alors que les opposants ne désarment pas, le mariage pour tous entame sa dernière ligne droite au Parlement. Adopté par le Sénat la semaine dernière, le projet de loi revient ce mercredi devant les députés dans un contexte particulièrement tendu. Les actions anti-mariage pour tous se multiplient tous azimuts et se radicalisent. La porte-parole du gouvernement, Najat Vallaud-Belkacem, estime que certains militants se livrent à un "harcèlement absolument inacceptable" d'élus favorables au texte. Elle accuse aussi les responsables de droite de laisser "planer le doute et l'ambiguïté" sur la condamnation de leurs agissements. Ce matin, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a appelé au calme alors qu'il était interrogé sur les propos de l'ex-Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, évoquant "une menace de chienlit" dans le pays. Si l'issue du marathon législatif du mariage pour tous ne fait pas de doutes, le climat autour de la loi reste très dégradé.
1La volonté de terminer un long débat
Peu de suspense sur cette seconde lecture, tant le scénario semble écrit d'avance. Les députés de la majorité veulent "passer à autre chose", ils vont donc tout faire pour que le texte soit voté conforme à la version adoptée par le Sénat. "Il faut désormais aller au vote, la plupart des points de cristallisation ont été évoqués", expliquait lundi le député Europe Ecologie-Les Verts Sergio Coronado. Contrairement à l'examen du texte en première lecture, où les débats ont duré plus de 100 heures, le gouvernement a voulu limiter les tentatives d’obstructions. La procédure du "temps programmé" a été choisi, il s'agit d'une d'une disposition permise par le règlement depuis la précédente mandature. Vingt-cinq heures de débats sont prévues, chaque groupe dispose d'un temps imparti. L'opposition devrait pouvoir s'exprimer environ 13 heures. Le vote solennel du texte est fixé au mardi 23 avril.
2Les regards tournés vers la rue
Face à un Parlement décidé à tourné la page du mariage pour tous, les antis ne fléchissent pas. Le vote au Sénat et l'accélération surprise du calendrier parlementaire ont ulcéré les opposants. Depuis, le climat s'est nettement tendu au fil d'actions coup de poing spontanées, plus ou moins légales et plus ou moins contrôlées. Le collectif de la "Manif pour tous" appelle à un rassemblement chaque soir devant l'Assemblée nationale pendant l'examen du texte. Et l"'accueil" de ministres et du président de la République a chacun de leurs déplacement est vivement encouragé. Par ailleurs, la "Manif pour tous" a prévu de défiler dans Paris ce dimanche 21 avril. D'autres "grandes" manifestations sont d'ores et déjà programmées, le 28 avril, le 5 mai et le 26 mai.
3L'UMP prépare la bataille d'après
"Sur le plan strictement parlementaire, la messe est dite", l'aveu est signé Philippe Gosselin, l'un des députés UMP en pointe dans le combat contre le mariage pour tous. "On aura beau se démener comme de beaux diables, être très présents, la majorité a consigne de ne rien laisser passer", explique l'élu de la Manche. L'UMP a toutefois déposé plus de 700 amendements. La plupart seront défendus par Hervé Mariton, Philippe Gosselin et Jean-Frédéric Poisson, comme en première lecture. Hervé Martin a choisi de se concetrer deux angles d'attaques : l'article 4 bis de la loi (qui habilite le gouvernement à légiférer par ordonnances pour toutes les modifications en dehors du Code civil qui concerneront les définitions de "père" et de "mère") et l'article 16 bis (une disposition qui souligne qu'"aucun salarié ne pourra être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire pour avoir refusé, en raison de son orientation sexuelle, une mutation géographique dans un État incriminant l'homosexualité"). Pour le député de la Drôme, ainsi rédigé l'article 16 bis "veut dire que l'on ne peut être protégé qu'en faisant son coming out !" . En première lecture, il avait proposé, lors de la première lecture, que la disposition s'applique à une personne, "quelle qu'elle soit".
Mais l'UMP prépare surtout la bataille d'après : le recours au Conseil constitutionnel. Philippe Gosselin et Hervé Mariton affirment s'y employer. "Nous, d'une certaine façon, on est dans le coup d'après...", estime Philippe Gosselin qui mise sur une censure du texte. Quels sont ses arguments ? Interrogé par Métro, il répond : "Tous les arguments que nous utiliserons pendant notre temps de parole, notamment des incertitudes et des zones d'ombres en provenance du Sénat, serviront à préparer le recours au Conseil constitutionnel."
Bonus : Hasard du calendrier, la Nouvelle Zélande est devenue aujourd'hui le 13e pays du monde à ouvrir son mariage aux couples de même sexe. A l'annonce de l'adoption de la loi (par 77 voix contre 44), le Parlement entier a entonné une chanson d'amour traditionnelle, "Pokarekare Ana", dont les dernières paroles sont "Je pourrais mourir d'amour pour toi". Le contraste avec le climat qui règne en France autour des débats tranche.