Jour J pour le mariage pour tous après sept mois de débats houleux et intenses. La France va devenir le 9e pays européen à ouvrir le mariage aux couples de même sexe, le 14e dans le monde, avec un vote solennel de l'Assemblée nationale. Pour beaucoup de lesbiennes et gays, la journée est particulière, historique, chargée d'émotion. Pour François (prénom modifié), jeune homo parisien de 33 ans, avec l'adoption définitive de la loi "ce soir, on sera les mêmes que les autres". "Quand on a grandi avec un sentiment d'étrangeté, quand on s'est senti étranger au sein de sa propre famille et qu'on a vécu le sentiment de solitude, cette loi envoie un message très fort, nous sommes égaux", m'explique François.
Ce soir, il a prévu de fêter le vote du mariage pour tous, "étreindre des amis et sûrement verser quelques larmes aussi". Dominique et Didier sabreront eux aussi le champagne. Ces deux Niçois âgé de 35 et 33 ans s'aiment depuis 14 ans. "Nous avons une vie de couple simple et normale, nous sommes fidèles. Donc la notion de mariage est évidemment très forte pour nous", me raconte les deux amoureux, partagés entre "la joie et la fierté". Ils souhaitent se marier l'année prochaine parce qu'"un mariage, ça se prépare" et s’enthousiasment sur la "grande fête à organiser avec familles et amis". Aujourd'hui, Dominique et Didier se réjouissent aussi pour la "reconnaissance du bonheur des familles homoparentales, surtout après toute l'homophobie qui s'est libérée dans ce débat".
Papa d'une petite fille dont il partage la garde avec ses deux mamans lesbiennes, François pense aujourd'hui à sa fille : "Grâce à cette loi va, elle va grandir dans un monde où ses parents seront regardés comme des gens normaux, pas comme des gens bizarres. Cette normalité aux yeux de la loi est très importante puisqu'elle va faire progresser la normalité dans la société." Une victoire "symbolique" pour François car la loi ne lui accordera pas de facilités dans la délégation d'autorité parentale. Il attend la future loi famille avec impatience.
"On a eu l'égalité, mais pas la fraternité"
L'adoption définitive de la loi ouvrant le mariage et l'adoption consacre aussi le travail des militants des droits des homos. A l'image de Nathalie Mestre, présidente de l'association Les Enfants d'Arc-en-Ciel, qui rassemble et défend des familles homoparentales. "Ce vote cela représente pour nous des nuits entières de travail , des vacances oubliées, des rendez-vous, des dossiers à monter pour aider nos adhérents, des coups de fil anonyme, des insultes dans la rue...", résume Nathalie Mestre, avec une émotion non feinte.
Et, les larmes aux yeux, elle évoque son parcours personnel : "sept années de combat, aujourd'hui abandonné, à recourir à des procréation médicalement assistée à l'étranger, des départs à la sauvette du jour au lendemain, des larmes chaque mois, un épuisement moral et physique lié au traitement, des économies volatilisées, le sentiment d'être hors la loi." Militante depuis 2007, la jeune femme n'a pas vécu les débats du Pacs, elle n'a pas subi de discriminations liées à sa sexualité... alors avec ce débat sur le mariage pour tous, elle a pris "de plein fouet un truc monstrueux", "une homophobie qui s'étale sans complexe et plus violente que jamais". "Le vote d'aujourd'hui, c'est aussi dire 'non' à tout ça et faire un grand pas en avant", estime-t-elle. "Certains de nos enfants seront enfin sécurisés", se réjouit aussi Nathalie Mestre.
Militants ou non, les homos avec qui j'échange sont marqués par la violence du débat et l'atmosphère délétère qui règne autour de celui-ci. S'ils sont heureux du vote du jour, la victoire leur laisse un goût amer. "C'est une date historique pour nous, on se souviendra de cette journée qui va changer nos vies", estime Didier. "Maintenant, j'espère que les mentalités vont changer." Et il cite la devise de la République, "Liberté, égalité, fraternité", "on a eu l'égalité, mais pas la fraternité avec tout ce qu'il s'est passé ces derniers mois..."