Deux semaines après la démonstration de force des camp du "non" à l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, c'est au tour des partisans du projet de loi de donner de la voix dans les rues de Paris dimanche 27 janvier. Rencontre avec François Hollande, demande de référendum, convention à l'UMP... Les opposants au texte n'ont cessé d'occuper le terrain médiatique.
Certes, il est difficile de se mobiliser pour un projet porté par le gouvernement, assuré d'avoir la majorité au Parlement. Mais, les pro-mariage pour tous ont du mal à se faire entendre. Comment préparent-ils leur riposte ?
Un constat : la réussite médiatique du collectif "La manif pour tous"
Depuis le mois de novembre, Frigide Barjot, porte-voix de la "Manif pour tous" est partout. Humoriste, chroniqueuse mondaine et catho, c'est ce que les médias appellent une "bonne cliente". Un certain goût pour la provocation et des formules habilement choisies. A cela s'ajoute une maîtrise aiguë de la communication et du marketing : des porte-paroles gays ou de gauche contre le mariage pour tous, un code couleur rose et bleu, des slogans et des pancartes validés par l'organisation pour éviter les dérapages homophobes.... La "Manif pour tous" donne plusieurs conférences de presse par semaine, et le collectif ne compte pas s'arrêter à la manifestation du 13 janvier. Des rassemblements devant les préfectures sont prévus en février, des meetings seront organisés en régions.
Pour les partisans de l'ouverture du mariage aux couples de même sexe, c'est une vraie leçon de communication. "Au moment du Pacs, ils étaient passés pour des intégristes homophobes. Alors ils en tont tiré les leçons et ont adopté une habile stratégie de communication", m'expliquent Alix Béranger et Cendrine Escallier, porte-paroles du collectif "Ouiouioui", engagé pour le projet de loi. Même constat pour Nicolas Martin, porte-parole du collectif "Les OUTragés de la République", également favorable au mariage pour tous : " Les médias se sont engouffrés dans un plan de communication très bien rôdé qui leur était destiné". "Il y a une diffusion massive des propos de Virginie Tellenne (le nom civil de Frigide Barjot) sans se demander ce qui se cache derrière", regrette Nicolas Martin.
Le sentiment d'abandon
Si ce débat a fait émerger Frigide Barjot côté opposants, le camp du oui n'est pas ou peu incarné. "Il est où le lobby gay ?!", s'interrogent ironiquement Alix Béranger et Cendrine Escallier. Certes l'Inter-LGBT est en première ligne, face aux politiques et organisent la manifestation de dimanche mais l'organisation "manque de souplesse" aux yeux des portes-paroles de "Ouiouioui". "Nicolas Gougain (porte-parole de l'Inter-GBT) fait un bon travail de lobbying mais difficile de rendre coup pour coup quand on doit fédérer et tempérer une soixantaine d'associations," m'explique Nicolas Martin. Paradoxalement, tous déplorent un manque de visibilité des homosexuels dans le débat, "jusqu'au sein de l'Assemblée nationale où il n'y a que deux homos officiellement sur 577", précise Nicolas Martin. Comment l'expliquer ? "C'était une promesse de campagne, la gauche étant majoritaire au Parlement, on n'a pas préparé nos armes", concèdent les porte-paroles de "Ouiouioui".
Autre constat partagé par les défenseurs du projet de loi, le silence assourdissant du gouvernement et de la majorité. Les "OUTragés de la République" sont "aussi nés à cause de l'immobilisme du gouvernement et des parlementaires", indique son porte-parole. "C'était à eux d'apporter la contradiction aux opposants, de pointer les mensonges et de dénoncer les insultes qu'on subit." Pour Alix Béranger et Cendrine Escallier, la majorité aurait dû s'engager dans le débat pour "casser les idées reçues, comme parent 1 et parent 2". Résultat : les porte-paroles de "Ouiouioui" sont montées au créneau "contraintes et forcées". "On se sent bafouées et sacrifiées pour des raisons politiques, ce n'était pas à nous de le défendre ce projet de loi", ajoutent-elles.
Agir en occupant les médias, la rue, le web
Avec les "OUTragés de la République", Nicolas Martin veut faire de l'agit-prop : "proposer une nouvelle voix, ni politique, ni associative, et porter la parole dans les médias, réagir systématiquement aux débordements et à la banalisation du discours homophobe". "Il faut répondre avec la même virulence que nos opposants s'il le faut", me dit-il. Au début du mois, il s'est retrouvé face à Frigide Barjot sur Europe 1, à l'occasion d'un débat tendu. Depuis, il est de plus en plus sollicités par les médias. Les "OUTragés de la République" envisagent aussi "d'attaquer en justice a chaque débordement, systématiquement" pour "frapper fort".
Le collectif "Ouiouioui" se veut une "brigade d'intervention légère". "On est joyeux, militants et réactifs", expliquent les porte-paroles. "Ouiouioui" organise des happenings pour "occuper le terrain". Le collectif a par exemple déboulé au rayon mariage des Galeries Lafayette début décembre. L'occasion de crier des "oui, oui, oui" orgasmiques. La structure du collectif n'est pas hiérarchisée, des actions se montent du jour au lendemain. Pas besoin d'être une foule pour marquer les esprits. Comme le 23 janvier, quand "Ouiouioui" est allé scander "homophobes" aux députés qui marchaient sur l'Elysée pour demander au président de la République l'organisation d'un référendum. Pour la manifestation du 27 janvier, "Ouiouioui" sera accompagné du collectif "Gouines comme un camion" et organisera un accouchement géant et collectif.
Sur le web, la mobilisation monte également en puissance. Une pétition lancée par Allout.org pour dire "Oui à l'égalité" rassemble près de 160 000 signataires. Le site Pridemap.fr a pour but collecter et fédérer toutes les informations sur la mobilisation en faveur du mariage pour tous. Une tribune écrite par des "jeunes cathos pour l'égalité" a été mise en ligne, près de 1 000 personnes l'ont signée. Un collectif composé d'hétéros et d'homos a ouvert lemariagepourtous.info, un site "ressource" qui aborde les questions et polémiques soulevées par le débat, son but est de répondre "aux craintes irraisonnées comme aux interrogations légitimes" face aux "arguments irrationnels, aux fantasmes et aux insultes". On peut aussi citer le Projet entourages LGBT qui met en ligne régulièrement des vidéos de témoignages d'hétérosexuelles favorables à la loi mais aussi d'enfants élevés par des homos.