Dominique Venner, un des maîtres à penser de la "Génération Occident"

Mais qui était Dominique Venner, l'homme de 78 ans qui s'est tué mardi dans la cathédrale Notre-Dame à Paris ? S'il était ignoré du grand public, jusqu'à son suicide spectaculaire devant des centaines de touristes, il était en revanche fort connu de l'extrême-droite française, dont il était un inspirateur et une figure historique.

Son portrait est l'un de ceux qui ouvrent Génération Occident, somme du journaliste Frédéric Charpier sur ce mouvement d'extrême-droite qui marqua les débuts de l'engagement politique d'un Patrick Devedjian ou d'un Claude Goasguen, avant qu'ils ne rejoignent les rangs de la droite classique dans les années 70.

Un fils de bonne famille engagé dans l'OAS

Génération Occident décrit Dominique Venner en enfant de bonne famille élevé dans les beaux quartiers parisiens, à deux pas des Invalides. Fils d'un architecte "compagnon de route du Parti populaire français" de Jacques Doriot (parti fasciste et collaborationniste), le jeune homme s'engage à dix-neuf ans dans l'armée, et sert comme officier volontaire en Algérie, dès le début de la guerre en 1954.

Quand l'indépendance de l'Algérie apparaît inéluctable, cet antigaulliste de la première heure rejoint les rangs de l'insurrectionnelle OAS (Organisation de l'armée secrète), ce qui  lui vaut un an et demi d'incarcération à la prison de la Santé.

Quand il en sort en 1963, il fonde , souligne le blog Droites extrêmes du Monde"le mouvement Europe-Action qui aura une influence déterminante sur la Fédération des étudiants nationalistes (FEN), la matrice dont sortira Occident. Déjà à cette époque Dominique Venner exerce un magistère intellectuel sur de futurs cadres de l'extrême droite de la fin des années 1960, qui se nomment François d'Orcival, Alain Madelin, Alain Robert, Xavier Raufer ou encore Gérard Longuet."

Un partisan du "noyautage de l'Etat"

En 1963, à la suite de sanglants règlements de comptes au sein de l'OAS, selon Génération Occident,  Dominique Venner change de stratégie et "dresse un réquisitoire contre l'action minoritaire". Il préconise la guerre des idées, la conquête idéologique et "le noyautage de l'Etat et de ses institutions" dans un manifeste intitulé Pour une action positive.

Il "jette ainsi "les bases théoriques d'un nouveau nationalisme" dans un "méli-mêlo qui brasse les "lois de la vie", la science, la zoologie, l'Europe millénaire, Lénine, Xénophon."  Mëli-mêlo qui "stigmatise et accable l'Orient...et ressuscite la Grande Grèce antique et le polythéisme, berceau de l'Humanité".

Détestation de l'Orient, apologie de l'antiquité grecque

Détestation de l'Orient et de l'islam, apologie de l'antiquité grecque...Toutes idées qui vont marquer le le groupuscule d'extrême-droite Occident. Elles présideront ensuite à la fondation du GRECE, ce club de réflexion de la Nouvelle Droite qui influença dans les années 70 le responsable des pages culturelles du Figaro Louis Pauwels.

Dans les années 70 et 80, Dominique Venner se consacre de plus en plus largement à sa revue d'histoire et à l'écriture de ses livres - une cinquantaine, dont une grande majorité consacrée à l'histoire des armes. Comme le montre son dernier billet de blog violemment anti-islam, il n'avait pas renoncé à ses idées.

Il avait gardé tout aussi intacte sa fascination pour l'antiquité grecque au point de justifier dans un éditorial  intitulé La révolte des mères  sa détestation du mariage gay par ... la guerre de Troie, symbole à ses yeux de l'affrontement Orient-Occident. ("Tout enfant a le droit de savoir d’où il vient, quel est son père et quelle est sa mère. Il n’est pas inutile de rappeler que, voici 33 siècles, la guerre de Troie avait été provoquée pour faire respecter l’union du roi achéen Ménélas et de son épouse Hélène, enlevée par un prince troyen.").

Cette fascination pour une Europe d'avant le christianisme explique peut-être le choix provocant du suicide dans une église, alors que cet acte est proscrit par la religion catholique.

Le dernier ouvrage de Dominique Venner a été publié l'an dernier par Pierre Guillaume de Roux, éditeur qui s'était fait connaître en publiant en août 2012 l'Eloge littéraire d'Anders Breivik, polémique essai de Richard Millet consacré au tueur norvégien d'extrême-droite qui a massacré 69 personnes sur l'île d'Utoya, en majorité des adolescents.

Dominique Venner devait publier en juin son prochain livre, intitulé Un samouraï dOccident, Le bréviaire des insoumis. Cet admirateur de l'écrivain japonais Mishima - autre suicidé d'extrême-droite- lui a donné par avance une macabre publicité.

-> Génération Occident, Frédéric Charpier, Seuil