Houellebecq, oui, sa poésie, non ! L'art de la contourner (ou pas) en 3 leçons

Configuration du dernier rivage ... Toujours aussi gai,  Michel Houellebecq publie chez Flammarion ses derniers poèmes dépressifs. L'auteur de La Carte et Le Territoire devrait pourtant se réjouir: quel autre écrivain verrait son recueil de poésie d'emblée tiré à 20.000 exemplaires ?

Réminiscences scolaires aidant, les exégètes s'en sont donnés à coeur joie pour déceler, dans la centaine de pages versifiée, un clin d'oeil à Arthur Rimbaud ("Au loin, la magnificence des tilleuls/dans le soir de juin") ou une allusion en alexandrin à Charles Baudelaire ("Le soir descend, porteur de paix et d'amertume").

Ils ont toutefois peiné à trouver un alibi culturel à ce tercet définitif : "Les hommes cherchent uniquement à se faire sucer la queue/Autant d'heures dans la journée que possible/Par autant de jolies filles que possible"  (dans Mémoires d'une bite, la troisième des cinq parties du recueil).

Mais est-ce bien là la question ? Quand il s'agit de Michel Houellebecq, qu'importe le texte pourvu qu'on ait le phénomène. Comment capter le buzz sans s'intéresser de trop près aux vers du prix Goncourt 2010 ?

1 En grand reporter

A jouer comme la journaliste Ariane Chemin, première à surfer sur la vague Houellebecq. En grand reporter, elle est revenue le 29 mars, dans Le Monde magazine, sur la passion de l'écrivain pour son chien Clément. Et a révélé que l'animal, décédé "de mort naturelle, en Irlande, il y a deux ans", avait été rapatrié en France grâce à "Bruno Le Maire, alors ministre de l'agriculture, qui s'(en)est occupé personnellement".

Michel Houellebecq a-t-il fait le deuil de son Welsh Corgi enterré au cimetière animalier d'Asnières ? Sans doute puisqu'il s'avise, dans son opus poétique, que "les chiens ont beau être gentils, un chien reste un chien" .

2 En blind test

Sur Canal +, le Petit journal a attribué un quatrain de l'écrivain ("Tu te crois séduisante/Avec ta jupe en skaï/Et tu fais la méchante/comme dans une pub Kookaï) au rappeur Booba avant de révéler à quelques jeunes choisis  la supercherie : c'était  en réalité du Houellebecq, donc de la littérature !

 Ouf !  La pilule (poétique) était passée et avec elle le message : la poésie (enfin, celle de Houellebecq) c'est presque aussi bien que du rap.

3 En lecteur (déconseillé)

Il reste malheureusement quelques critiques littéraires égarés comme Edouard Launet, à Libération, pour rendre compte de la réalité des textes.

 "Les nouveaux poèmes de Michel Houellebecq balayent toute l'étendue de la poésie française. Ils la chevauchent pour pour aller plus loin plus fort, écrit-il,  pince sans-rire  (Et je danse ...), avant de conclure sur l'évidente "platitude" d'un Rimbaud comparé à notre Ronsard  post-moderne. Un soupçon d'ironie n'est pas à exclure.

-> Configuration du dernier rivage,  Michel Houellebecq (Flammarion, 15 euros)

 

Publié par Anne Brigaudeau / Catégories : Actu