Juges et médecins ne sont donc pas d'accord dans l'interprétation qu'il faut avoir de la loi dite Léonetti du 22 avril 2005, relative aux droits des malades et à la fin de vie.
L'auteur de cette dernière et le chef de service de médecine palliative du CHU de Reims, le Docteur Eric Kariger, pensaient qu'elle s'appliquerait sans problème et que le tribunal administratif répondrait favorablement à une partie de la famille de Vincent Lambert.
La décision est toute contraire, puisque collégiallement 9 magistrats administratifs ont décidé de stopper le processus de suspension de l'alimentation et de l'hydratation du jeune homme. En un mot, pas question de pratiquer une euthanasie passive, en arretant le traitement actuellement prodigué.
Une décision qui soulève commentaires et interrogations.
Le commentaire a été développé par le Docteur Kariger lors d'une conférence de presse. "J'ai le sentiment que certains ont pris notre place". Il s'offusque que la décision de maintenir en vie le patient émane en dernier ressort de la justice et non de la médecine. Des juges, de plus administratifs, et non des praticiens. C'est oublié que dans notre société, la règle de vie, dans tous les sens du terme, est définie par des lois, par un arsenal juridique et non par des ordonnances ou des prescriptions!
La loi Léonetti a cherché à mettre fin à l'acharnement thérapeuthique, en définissant le cadre juridique. Eviter une "obstination déraisonnable" lorsque les soins "apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie". La loi évoque "la souffrance d'une personne, en phase avançée ou terminale d'une affection grave et incurable, quelqu'en soit la cause".
La décision doit être prise en accord entre médecin de l'hopital, médecin traitant et la famille. Si le malade n'a pas fait connaitre par écrit ses directives dans les 3 ans précédant son entrée dans un état d'inconscience, il peut également désigner une personne de confiance qui le représentera au moment propice.
Pour les juges du tribunal administratif de Reims, le cas de Vincent Lambert ne répond pas à toutes ses exigences de la loi Léonetti.
Dans le cas présent, il n'y a pas unanimité dans la famille. Son épouse et son neveu sont pour un arrêt de vie, quand ses parents s'y opposent. De plus, il n'y a pas eu de désignation de personne de confiance par le jeune homme. Dans leur jugement de 11 pages, les juges notent que rien ne "permet de regarder VIncent Lambert comme ayant manifesté une volonté certaine de refuser tout traitement s'il devait subir une altération de ses fonctions motrices et cognitives telle que celle qu'il connait aujourd'hui". Les magistrats poursuivent en épinglant le dit Docteur; "le Dr Kariger a apprécié de manière erronée la volonté de V L en estimant qu'il souhaiterait opposer un refus à tout traitement de maintien en vie".
Enfin s'appuyant sur la loi Léonetti, le TA considère qu'il n'est pas prouvé que les soins prodigués constituent une obstination déraisonnable, inutile ou disproportionné. Vincent Lambert n'est pas en phase terminale. Ses parents le considèrent avant tout comme un handicapé et non comme un malade incurable. Un argument que les juges ont également pris en compte, écrivant que "cesser l'alimentation et l'hydratation artificielles de Vincent Lambert caractérisent une atteinte garve et manifestement illégale au droit à la vie de V L".
Les avocats du CHU et de l'épouse du jeune homme décideront demain s'ils font appel. Le Conseil d'Etat devra alors statuer à son tour. Selon sa décision, le gouvernement accélerera ou pas l'élaboration d'un nouvelle loi définissant le droit à la fin de vie.