Il est le meilleur d'entre nous. Entré dans la chronique judiciaire il y a une dizaine d'années, Stéphane Durand-Souffland est avant tout une plume. C'est un régal de le lire dans les colonnes du "Figaro", quotidien où il a pris la succession du non moins talentuex Pierre Bois.
C'est maintenant un plaisir de le lire dans l'ouvrage qu'il vient de faire paraître aux Editions de l'Olivier, "Disparition d'une femme. L'affaire Viguier". Jusqu'à présent, il avait tenu le stylo pour un avocat général, un avocat et un président de cours d'assises. Cette fois, c'est son oeuvre à part entière.
Stéphane Durand-Souffland revient sur l'enquête et les deux procès qui ont vu l'acquittement de Jacques Viguier, professeur de droit à Toulouse, accusé du meurtre de sa femme Suzanne en février 2000.
Son style enlevé, son souci du détail, sa grande connaissance de la procédure pénale, son sens aigu de l'observation font que ce récit se lit comme un film. Le lecteur est ainsi assis au premier rang des assises. Témoin privilégié de ces procès extraordinaires qui se sont déroulés d'abord à Toulouse, ensuite à Albi. Lecteur se transformant à son tour en enquêteur dans ce cluedo que la justice n'a pas réussi à élucider.
Notre confrère relate avec précision et minutie les éléments du dossiers et retrace à merveille les moments forts des audiences. Tant les dialogues que les regards ou les attitudes des différents protagonistes du prétoire.
Stéphane Durand-Souffland fait partie de ces chroniqueurs judiciaires qui non seulement aborde les procès en connaissant le dossier d'accusation et les arguments de la défense mais durant les audiences, rien ne lui échappe, écrivant scrupuleusement le verbatim des avocats, magistrats, témoins, accusés, victimes, et notant dans la marge toutes les indications nécessaires pour la compréhension des audiences. Rien ne lui échappe.
Le lendemain des audiences, les avocats et magistrats se précipitent sur le "Figaro" afin de connaître le verdict du maitre-journaliste. Une lecture parfois douloureuse. L'un sera agacé de se voir égratigner. L'autre sera flatté par l'éloge. Le dernier sera déçu de ne pas être cité.
"SDS" est ainsi. Il a ses têtes. Autant il peut encenser un avocat ou un magistrat, autant il peut tremper sa plume dans le vitriol. Dans le livre évoqué plus haut, si M° Szpiner, M° Dupond-Moretti, le président Richiardi, qui a mené les débats à Albi, rougiront à la lecture de leurs portraits, d'autres grinceront des dents lors des rares phrases que notre confrère leur consacre.
Cette "disparition d'une femme" dans l'affaire Viguier marque la naissance d'un grand auteur.