Au cœur d’une campagne présidentielle riche en surprises et en péripéties plus ou moins glorieuses, une petite anecdote significative a aujourd’hui fait suite à l’affirmation par M. Valls de son soutien à M. Macron plutôt qu’au candidat désigné du Parti socialiste (PS). Une militante socialiste, Mme Lyons-Noguier, a en effet déposé plainte pour abus de confiance à l’encontre du PS et de la Haute Autorité des primaires citoyennes, organe chargé du contrôle des opérations de vote ayant abouti à l’investiture de M. Hamon.
La plaignante a précisé, lors de son audition par les services de police, que « suite aux élections primaires du candidat socialiste pour les élections présidentielles qui a [sic] coûté 2 € (les deux tours) pour chaque citoyen, l’ensemble des membres du parti socialiste se devaient de soutenir le candidat élu et particulièrement M. Manuel Valls car lui-même a signé une charte mentionnant qu’en cas de défaite de sa part il soutiendrait le candidat élu. Cette clause n’a pas été respectée par Manuel Valls et ses acolytes ». La militante s’estime donc victime d’un abus de confiance.
Cette plainte atypique a-t-elle une chance d’être suivie de poursuites pénales à l’encontre des personnes morales visées ? Pas vraiment – ou plutôt, vraiment pas.
L’article 314-1 du code pénal définit l’abus de confiance comme « le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé ».
Tout d’abord, pour que l’exercice de poursuites soit envisageable à l’encontre d’une entité quelconque qui ne soit pas une personne physique, il est nécessaire que celle-ci dispose de la personnalité morale, ce qui ne fait pas de doute pour le PS mais me paraît bien plus improbable pour la Haute Autorité.
Quant au fond, si en l’occurrence la militante a bien remis une somme de 2 € au Parti socialiste (la condition liée à la remise étant de ce fait établie), les autres éléments constitutifs de l’infraction ne me paraissent nullement remplis, en particulier le détournement.
En effet, l’argent collecté lors des dites primaires citoyennes devait être utilisé par le candidat du Parti socialiste pour réaliser toutes les opérations liées à sa campagne présidentielle, ce qui semble être le cas. Aucun détournement n’est (pour l’heure) évoqué par quiconque. Il en irait évidemment autrement s’il était démontré que des achats personnels, sans aucun lien avec la campagne, aient été réalisés par le PS ou la Haute Autorité au moyen des fonds recueillis.
Le revirement de M. Valls, s’il paraît moralement condamnable aux yeux des militants de gauche (et amplement condamné par les cadres du PS) ne peut évidemment pas constituer un tel détournement, sanctionnable par la loi pénale.
Ne voyant pas d’autre qualification applicable (rappelons que le parjure n’existe pas dans l’arsenal pénal français) aux faits reprochés à M. Valls, le classement sans suite de cette procédure me semble inévitable.
Gageons toutefois que le geste de la militante flouée visait davantage à marquer publiquement son mécontentement à l’égard de l’ancien Premier ministre et son sentiment que celui-ci avait abusé de la confiance qu’elle avait "mise à l'intérieur de lui"…