Vendredi matin, le magazine Closer a mis en ligne sur son site internet des photographies et une vidéo de Mademoiselle Nabilla Benattia, actuellement mise en examen pour tentative de meurtre et incarcérée à la maison d’arrêt de Versailles.
Ces photographies, évidemment prises et publiées sans son consentement, portent une atteinte manifeste au droit au respect de la vie privée de Mlle Benattia. Bien que l’on puisse supposer que cela ne constitue pas son problème le plus immédiat, plusieurs actions légales pourraient lui permettre d’y mettre fin – ou du moins, de imiter les dégâts dus à cette publication.
Ainsi, Mademoiselle Benattia bénéficie-t-elle de la protection offerte par l’article 9 du code civil qui précise que « chacun a droit au respect de sa vie privée ». Ce texte permet une protection particulièrement efficace puisque il ajoute que « les juges peuvent, sans préjudice de la réparation du dommage subi, prescrire toutes mesures, telles que séquestre, saisie et autres, propres à empêcher ou faire cesser une atteinte à l'intimité de la vie privée : ces mesures peuvent, s'il y a urgence, être ordonnées en référé ».
S’agissant de photographies prises sans le consentement de l’intéressée dans un lieu qui, par nature, n’est nullement accessible aux regards du public, l’atteinte à la vie privée est évidente, la cour de cassation retenant que « toute personne a sur son image un droit exclusif et absolu et peut s'opposer à sa fixation, à sa reproduction ou à son utilisation sans autorisation préalable »
Ainsi, les magistrats saisis pourraient, à la demande de l’intéressée, ordonner la suppression des photographies et de la vidéo en cause, publiées sur le site internet et dans le magasine. Une procédure d’urgence pourrait être utilisée afin de permettre le retrait des photographies d’ici quelques jours, outre la condamnation du magazine au versement de dommages et intérêts.
Au-delà de cette procédure civile, le conseil de Mademoiselle Benattia a également la possibilité d’engager une procédure devant le juge pénal, en particulier du chef d’atteinte à l’intimité de la vie privée puisque l’article 226-1 du code pénal sanctionne d’une peine d’un an d’emprisonnement et de 45.000 € d’amende le fait de « porter atteinte volontairement à l'intimité de la vie privée d'autrui [...] en fixant, enregistrant ou transmettant, sans le consentement de celle-ci, l'image d'une personne se trouvant dans un lieu privé ».
Précision importante (éventuellement destinée aux personnalités désireuses de bénéficier de la publicité attachée à la photo publiée mais aussi des dommages et intérêts, fréquemment importants, pouvant en découler) figurant dans ce texte, au passage : « lorsque les actes mentionnés au présent article ont été accomplis au vu et au su des intéressés sans qu'ils s'y soient opposés, alors qu'ils étaient en mesure de le faire, le consentement de ceux-ci est présumé ». On peut cependant légitimement penser que Mademoiselle Benattia, incarcérée, n’a à aucun moment été informée de cette captation de son image, et qu’elle n’y a dès lors évidemment pas consenti.
Cette infraction pourrait être reprochée à toute personne, quelle que soit sa qualité, personnel de l’administration pénitentiaire ou détenu, susceptible d’avoir immortalisé et vendu les images en cause (vraisemblablement au moyen d’un téléphone portable). En effet, au vu des images saisies, seule une personne ayant accès à l’intérieur de l’établissement pénitentiaire peut s’en trouver à l’origine, fonctionnaire ou détenu, puisqu’il est fréquent bien qu’interdit que ces derniers disposent de téléphones portables en détention.
Mais au-delà de l’auteur direct des images, c’est surtout à l’encontre de Closer que Mademoiselle Benattia souhaiterait vraisemblablement se retourner.
Cet organe de presse pourrait être poursuivi sur le fondement de l'article 35 ter de la loi du 29 juillet 1881 prévoit que "lorsqu'elle est réalisée sans l'accord de l'intéressé, la diffusion, par quelque moyen que ce soit et quel qu'en soit le support, de l'image d'une personne identifiée ou identifiable mise en cause à l'occasion d'une procédure pénale mais n'ayant pas fait l'objet d'un jugement de condamnation et faisant apparaître, soit que cette personne porte des menottes ou entraves, soit qu'elle est placée en détention provisoire, est punie de 15 000 euros d'amende."
Par ailleurs, si l’auteur initial des images devait s’avérer être une personne détenue au sein de la maison d’arrêt, la qualification de recel du délit de communication illicite avec un détenu (le recel étant « le fait de dissimuler, de détenir ou de transmettre une chose, ou de faire office d'intermédiaire afin de la transmettre, en sachant que cette chose provient d'un crime ou d'un délit ») pourrait être retenue contre Closer compte tenu de l’usage des images illégalement obtenues et de leur publication dans la presse.
Closer ne pourrait pas se dissimuler derrière le secret des sources des journalistes (si l’on peut parler de journalisme en l’occurrence), la Cour de cassation ayant à plusieurs reprises validé la condamnation de sociétés de presse pour recel suite à la diffusion de documents obtenus par le biais de violations du secret professionnel (dans le cadre de l’affaire des écoutes téléphoniques de l’Elysée, des journalistes ont ainsi été condamnés pour recel du fait de la publication d’un livre reproduisant des fac-similés d’écoutes nécessairement obtenues en violation du secret professionnel).
On constate donc que Closer, sous prétexte d’une information du public sur la situation de Mademoiselle Benattia, viole tranquillement un certain nombre de dispositions légales susceptibles d’entraîner sa condamnation tant par une juridiction civile que par un tribunal correctionnel. Le tout pour une valeur ajoutée informative particulièrement réduite : la France entière sait déjà que cette jeune femme a été placée en détention provisoire, et pour quelle raison. Quel intérêt pour ses fans, et encore moins pour ses détracteurs ou pour les indifférents, de savoir comment elle s’habille et se coiffe en détention et qu’elle exerce effectivement son droit à la promenade ?