Mercredi 8 septembre. Après une mauvaise nuit dans un campement devant le port d’Arromanches, on embarque enfin vers l’Angleterre. On est tous fascinés par ce que les British on fait ici avec ce port artificiel. On n’avait encore jamais vu ça, toute cette logistique ! Pas étonnant que les Allemands aient pris une dérouillée. Ils pouvaient pas être la hauteur…
On n’a pas trop le temps d’admirer le paysage. On nous demande d’embarquer rapidement avec une partie de la brigade commandos. Deux heures après, on est quelques uns installés là sur le pont du navire, à regarder les cotes de Normandie s’éloigner peu à peu.
Il y a un peu de nostalgie et beaucoup d’émotion dans nos yeux. Faut dire qu'on laisse dernière nous, dans les cimetières provisoires, une quinzaine de copains qui ne reverront jamais leur famille, des copains qui ne sont plus là aujourd’hui avec nous pour faire le voyage retour. On pense tous à eux. On s’est souvent battus en pensant à eux, on s’est parfois battus pour eux…
En tous cas une chose est sûre : on est tous fiers aujourd’hui de ce qu’on a fait depuis le 6 juin.
Moi je suis encore vivant, je viens de fêter mes 18 ans. J’ai pas été blessé une seule fois, juste un peu secoué le jour du 6 juin. Enfin pas grand-chose comparé à tant d’autres… J’espère maintenant tenir le coup encore longtemps. La bataille de Normandie est terminée, je pense avoir été la hauteur.
Mais la guerre est loin d’être finie. C’est pour la finir que je veux continuer à me battre, avec les commandos, avec Kieffer, avec mes camarades de combats, mes frères d'armes, ceux d'hier et d'aujourd'hui, ceux qui sont encore là et ceux qui ne sont plus... Les Labas, Rollin, Létang, Dumenoir, Lion, Rousseau et tous les autres que je n'oublierai jamais...