« Jouer et gagner ne suffisent pas, encore faut-il maîtriser son style » affirmait René Lacoste. Si dans notre imaginaire collectif, il y a des années de cela, la marque Lacoste était associée à de jeunes –ou moins jeunes– chefs d’entreprise affairés, pull rose sagement noué sur les épaules le week-end à Guéthary, ou tout de mèche, stoïques, face aux assauts répétés de la brise des allées arborées du Lagardère Paris Racing, il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les années 2000, souvenez-vous, Lacoste devint le porte-étendard des cités rebelles. De la bourgeoisie de Passy aux « cailleras des técis», pas vraiment l’évolution espérée pour la marque au crocodile. Des années plus tard en 2011, de nouveau le scandale frappe la marque en la personne de Anders Behring Breivik, l'auteur de la tuerie d'Oslo. Une publicité dont l'entreprise se serait aisément passée.
Ni une, ni deux, les dirigeants décident d'opérer un "repositionnement". Sans renier l’identité sportive de la marque, Lacoste investit peu à peu le digital. Elle s’empare des codes de la mode, flirtant même avec une culture underground des plus pointues. À l’image de sa collection résolument colorée, graphique et effrontée, « Lacoste Live », sa campagne « Unconventional Talent » met ainsi en valeur de jeunes artistes new-yorkais méconnus. Une seule ambition : revisiter l’esprit « old school » pour lui donner une nouvelle inspiration arty et décalée. Signe de l’évolution opérée, le choix des égéries appuie ce changement de stratégie. L’acteur Adrien Brody et l'ex-tennisman Gustavo Kuerten, tous deux dandy élégants et non conventionnels– ont été adoubés Ambassadeurs de la marque en 2012.
Et pour revenir sur le devant de la scène, quoi de plus spectaculaire et planétaire qu'une participation aux JO ? À l’occasion de la compétition mondiale de Sotchi en 2014, après trente-six ans de règne incontesté d'Adidas, Lacoste devient le tout nouvel équipementier de l’Equipe de France Olympique. Un choix étonnant ? Pas vraiment. C'est oublier un peu vite que René Lacoste, le fondateur de la marque et tennisman émérite surnommé l’« Alligator » par la presse outre-Atlantique pour ses qualités prodigieuses de persévérance et de patience inébranlable, s'est vu remettre une médaille olympique en 1924 avant de fonder la marque en 1933. Autre point en faveur de la marque, l’entreprise -dont la gouvernance n'a assurément pas été un long fleuve tranquille- a valeureusement choisi de conserver une partie de sa production en France. À l’heure des délocalisations à tous crins, cette décision fut saluée.
Alors pour médiatiser ce retour sur le devant de la scène, Lacoste a décidé de frapper fort en lançant son premier film publicitaire baptisé "The Big Leap" (Le Grand Saut) réalisé par Seb Edward en 2014. S'il reprend les codes des publicités Levi's mettant en scène des couples (et plus particulièrement celle intitulée "L'Odyssey" dont la beauté reste à ce jour inégalée), le spot -plutôt réussi, bien que très convenu- amorce un virage en matière de communication. Son accroche en reflète l'ampleur : « Life is a Beautiful Sport ». La vie est un sport magnifique. Désormais, Lacoste n'entend plus seulement être cantonnée à l'univers sportif. Le message est limpide : sur les terrains comme dans votre quotidien, Lacoste vous accompagne. La vie est un sport magnifique, où le courage absolu, c’est aussi pour un homme de s’affranchir des codes, d’affronter héroïquement le vertige de ses émotions, de faire face au doute paralysant pour plonger passionnément dans l’inconnu et… euh…enfin...oui... faire le premier pas.
Avec cette première campagne signée par BETC, portée par l'acteur Paul Hamy -étoile montante du cinéma français- et sublimée par les accents électro du remix de Disclosure de Flume, Lacoste entame alors une nouvelle ère en remettant au cœur de son discours ses valeurs fondatrices, tout en s'emparant de l’immense vitrine internationale offerte par les Jeux Olympiques pour accroître sa visibilité médiatique, car depuis longtemps la puissance de « l’effet médaille » n’est plus à démontrer. Lancée le vendredi 7 février 2014 en avant-première en France à l’occasion des JO, elle a été diffusée mondialement à partir de mars 2014 sous forme de films pour la télévision et le cinéma, de visuels pour la presse et d’affichage et d'activation digitale.
Le principe de la campagne était acté, en 2017 la métaphore fut filée. Surfant sur les codes cinématographiques et l'évolution de la marque au fil du temps depuis les années 30, le deuxième opus intitulé "Timeless" signé du même réalisateur, fut lancé. De nouveau, le spot fait la part belle à l'idéalisation mettant en scène un couple frappé d'un coup de foudre sur un quai bondé. Elle doit prendre le train, il la suit. Commence alors une folle course, un voyage dans le temps, avec pour unité de lieu, le train. Les héros traversent les décennies, comme le polo Lacoste les années. Classique et assez peu novateur. Là encore, le spot "Dangerous liaison" de Levi's n'est jamais bien loin question inspiration.
Aujourd'hui, une semaine avant le tournoi de tennis de Roland Garros, la marque qui a choisi le tennisman Novak Djokovic depuis 2017, revient avec la troisième campagne du genre baptisée "Crocodile inside". Plus de premier pas, plus d'amour absolu, mais une déchirure cette fois-ci. Celle d'un couple moderne en proie à une violente dispute, au coeur d'un monde qui s'effondre inexorablement au fur et à mesure des couplets de « L'hymne à l'amour » d'Édith Piaf. Une bande son choisie opportunément pour réaffirmer l'identité française de l'entreprise connue mondialement. Et pour incarner ce nouvel opus, Lacoste porte à l'écran l'actrice Oulaya Amamra, révélée dans « Divines » en 2016, un film réalisé par sa sœur Houda Benyamina pour lequel elle reçut le César du meilleur espoir féminin en 2017 ainsi que l’acteur Kevin Azaïs, césarisé pour « Les combattants » 2014, saisissants.
De la bourgeoisie aux cités, des terrains au quotidien, du grand écran au petit, la boucle est bouclée. Cette fois-ci, pas d'idéalisation sublimée, mais une épreuve de la vie, appelant à la ténacité. Une valeur bien évidemment chère à la marque iconique. Car n'oublions pas qu'il s'agit d'abord et avant tout de publicité.
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