Le moins que l'on puisse dire, c'est que David Bowie était rare dans les médias. Non seulement, l'artiste enregistrait ses albums dans le plus grand des secrets, mais plus encore, il n'en assurait pas lui-même la promotion, laissant le soin à ses musiciens de prendre la lumière à sa place. A l'heure des réseaux sociaux et de la vie de chacun étalée sur le web, Bowie l'insaisissable se faisait discret et le halo de mystère entourant l'icône ne désépaississait pas. Une stratégie particulièrement efficace. Nous vous expliquons pourquoi.
Créer le manque, événementialiser ses interventions... et disparaître
Ce qui est rare est cher au coeur du public. En ces temps de cacophonie médiatique, les taiseux s'en sortent mieux. Zidane (avant qu'il ne devienne entraîneur du Real), Renaud et Goldman en France ; Bruce Springsteen et U2 à l'international... moins vous parlez, plus vous limitez vos apparitions et plus vous aurez de chance d'être écouté. Le désir du public, qui vous a attendu patiemment, est à son climax et les projecteurs braqués sur vous. David Bowie avait ainsi totalement disparu de la scène médiatique une dizaine d'années auparavant avant de réapparaître subrepticement le 8 janvier 2013, en publiant sur le web le titre "Where Are We Now ?", ainsi qu'une vidéo annonçant l'album surprise à venir. Un procédé ultra simple, pour un effet planétaire quasi immédiat. Stupéfaction et emballement médiatique. Sa maison de disque publiera un communiqué de presse relayé par le Guardian où il sera question de ses choix médiatiques :
"Rester dans l'ombre, éviter le moulin à rumeur de l'industrie musicale, voilà des caractéristiques chères à David Bowie (...) Il évite de se montrer malgré son passé impressionnant: plus de 130 millions d'albums vendus, d'importantes contributions dans les domaines de l'art, de la mode, du style, de l'exploration sexuelle et du commentaire social. (...)"Ces derniers temps, le silence radio n'a été rompu que par des spéculations sans fin... Un nouvel album... Qui l'eut cru! Après tout, David est le genre d'artiste qui écrit et joue ce qu'il veut, quand il en a envie... Quand il a quelque chose à dire plutôt que quelque chose à vendre. Aujourd'hui il a clairement quelque chose à dire."
Trois ans plus tard, en novembre 2015, il récidive avec "Blackstar" . La nouvelle se répand comme une traînée de poudre et le public s'enflamme.
Susciter les fantasmes les plus fous, ne jamais les démentir et...disparaître
Benoît Zagdoun écrit à son sujet sur Francetv Info qu'au milieu des années 70, "d'après les rumeurs, il ne se nourrit plus que de poivrons, de lait... et de cocaïne. Il recouvre les murs et le sol de sa villa de signes cabalistiques et de pentagrammes. Il interrompt une interview pour allumer un cierge noir. Un corps vient de tomber du ciel, il est le seul à l'avoir vu". Au milieu des années 2000, la presse le disait mourant depuis son attaque lors d'une tournée en Allemagne en 2004. Tel un sphinx, il réapparaissait sur la scène médiatique, plus flamboyant que jamais. Le mystère entourant sa vie a évidemment généré les rumeurs les plus folles que le chanteur n'a bien évidemment pas récusé depuis sa phobie de l'avion en passant par Ziggy Stardust, son personnage androgyne de science-fiction créé pour son album majeur de 1972. Comme il aimait à le dire, « ma vie n’est pas secrète, mais privée ». Pas question de se cacher -il a ainsi porté sa bisexualité en étendard-, mais pas non plus envie d'étaler sa vie au grand jour. « Bowie cultive son image de spectre, jouant avec la tentation de la désincarnation totale », écrit Christophe Conte, journaliste aux Inrocks qui lui consacre, avec le musicien et cinéaste Gaëtan Chataigner, un documentaire encore visible en replay sur France 4. « Lorsque l'on a choisi d'être un fantôme, c'est pour l'éternité. »
Alors pas question de réduire Bowie à un simple stratège en communication. Bowie c'est à tout jamais une icône, un demi-dieu ovniesque en perpétuelle réincarnation. Tantôt sombre, tantôt lumineux, telle une pythie des temps modernes, il interroge ce monde devenu fou, nous livrant sans ambages ses doutes et ses peurs, jusqu'à flirter parfois aux confins de la folie.
Ci-dessous, un tilt de l'artiste réalisé à partir des désormais fameuses illustrations d'Helen Green.
Anne-Claire Ruel
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