Cacophonie au somment de l'Etat. La secrétaire d'Etat chargée de la Famille, des Personnes âgées et de l'Autonomie, Laurence Rossignol a évoqué, jeudi 4 juin sur BFMTV, la mise en place de "mesures canicule" à partir de vendredi. Des propos mal compris, selon son cabinet joint, par francetv info : le plan national canicule, en place tous les ans à partir du 1er juin, reste à son niveau le plus bas, malgré les fortes températures attendues dans les trois prochains jours. La rectification du gouvernement est tout sauf anecdotique : en matière de gestion des risques sanitaires exceptionnels, pas de place au doute. Il faut à tout prix éviter de générer de l'anxiété collective car cela laisse prise à la rumeur. Pourquoi la communication autour des risques sanitaires exceptionnels est-elle si sensible pour le gouvernement ? Le point sur la question.
Augmentation de la perception des risques et devoir de transparence : le grand écart communicationnel
Lorsque l'on évoque les risques sanitaires exceptionnels en France, il est question de deux types de risques : les risques infectieux (grippe aviaire, dengue, chikungunya, etc.) ou climatique (canicule, grand froid, incendies, inondations, grandes tempêtes, etc.). Entre la médiatisation du moindre incident via les chaînes d'information continue et la révélation de risques qui étaient alors méconnus (amiante, dioxine) ou bien encore les crises passées (canicule de 2003, grippe A), l'opinion publique est de plus en plus sensible aux risques sanitaires. Problème ? Aujourd'hui le risque semble être partout ! La massification des communications sur les risques contribue à la génération d'une situation anxiogène, conduisant tout droit à la saturation de l'espace médiatique. Dès lors, comment faire la part entre une simple vigilance et un risque important et avéré ? Entre attentisme insouciant et alarmisme angoissant, la stratégie de communication se doit d'être parfaitement calibrée pour ne pas ajouter à ce risque climatique un risque d'opinion. Impossible de faire défaut en matière de communication si le risque s'avère imminent. Inversement, pas question pour les pouvoirs publics de sur-alerter, sous peine d'être décrédibilisés (comme ce fut le cas en matière de gestion des vaccins contre la grippe A). C'est précisément ce qu'il s'est passé ce jour : le cabinet de la secrétaire a rectifié le tir pour ne pas laisser penser que nous étions en situation sensible. Parfois, plus rarement, c'est l'inverse qui se produit : un risque (cas de méningite, légionellose, etc.) peut être occulté par les médias alors qu'il doit absolument être couvert médiatiquement pour organiser la prévention. En cas de crise sanitaire, si la parole des pouvoirs publics n'est pas légitime et crédible, un message, aussi pédagogique soit-il, restera totalement inaudible auprès de l'opinion publique. Le ministère est tenu de délivrer une information officielle et transparente. Pour lutter contre la cacophonie, tout émetteur gouvernemental de communication sur les risques doit imposer sa version officielle, à la fois raisonnable et fiable, tout en étant extrêmement pédagogique. A ce titre, les messages de prévention présentent toujours une iconographie ultra simple de manière à être immédiatement compris par toutes les "cibles", qu'elles sachent lire ou non.
A chaque culture sa communication sur le risque : entre protection et responsabilisation
Pas facile de responsabiliser les citoyens sous nos latitudes latines, car dans notre culture, la responsabilisation de l'individu va de pair avec son droit à la protection. La plupart du temps, la communication se fera alors via des messages rassurants de prise en charge du risque par l'Etat. Vous entendrez un message du type : "nous faisons tout pour vous informer et prévenir ensemble le risque". Le registre utilisé est bien celui de la prévention. A l'opposé, la culture anglo-saxone et la communication sur les risques qui y est attachée fait de l’individu, le principal acteur de son devenir. Tout repose en grande partie sur lui, y compris dans les pires situations. La communication entre alors vraiment dans le registre de la crise et vous entendrez le message : "vous devez être prêts à faire face". Cela explique, pour partie, la communication systémique et centralisée qui prévaut en matière de risques exceptionnels outre-Atlantique. A commencer par le site Ready, qui relaient les campagnes de sensibilisation du grand public menées parle l'Advertising Council, soit l'équivalent de notre Service d'Information du Gouvernement. Il a été lancé à l'initiative du United States Department of Homeland Security, créé en 2002 suite aux attentats de septembre 2001. Le site Ready a présenté hier sa dernière production qui a tout des codes hollywoodiens : les autorités publiques n'ont pas hésité à faire appel à un catcheur et acteur américain pour sensibiliser l'opinion sur les risques de tremblements de terre.
My pleasure. Proud to partner w/ FEMA & the @AdCouncil for earthquake preparedness. https://t.co/wdPc6X6aSI — Dwayne Johnson (@TheRock) 3 Juin 2015
Spots TV, kits de préparation et check-lists... toutes les causes et conséquences des risques ont été anticipées. Les campagnes sont largement diffusées sur les réseaux et font l'objet d'un plan media complet. Ce qui était alors perçu comme un "danger", devient alors un risque "envisageable" et "rationnel" auquel les individus peuvent se préparer. Et c'est là tout l'enjeu. A travers les actions d’acculturation de l’opinion publique aux risques surgit l'idée de construction d’un nouveau domaine de l’autonomie individuelle.
Anne-Claire Ruel
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