Depuis des mois, une bonne partie des cadres républicains refusaient de voir la réalité en face. Elle les a rattrapés mardi 6 novembre : "Trop vieux, trop blanc, trop masculin", comme le dit l'un des propres cadres du parti cité par Politico, le "Grand Old Party" n'a pas su s'adresser aux minorités. A la clé, une défaite cuisante en partie causée par un positionnement idéologique hasardeux et par le poids croissant des minorités.
Pourtant, le parti n'a pas toujours été à la traîne chez les hispaniques : en 2004, George W. Bush avait rassemblé 46% des électeurs de ce groupe. Et si l'ancien président, mis au ban de la classe politique, avait su trouver le bon ton ? Pour le sport, je me fais le temps d'un article l'avocat du diable...
Cachez ces immigrés que je ne saurais voir
Mardi, à la sortie des urnes, les chiffres sont accablants pour le parti : là où Mitt Romney s'impose avec 59% des voix chez les électeurs blancs, Barack Obama rafle 93% du vote chez les électeurs noirs, 71% chez les latinos, selon les sondages de sortie des urnes. Le bât blesse particulièrement chez ces derniers : "Le parti républicain a perdu une opportunité historique de conquérir ce segment de l'électorat", souligne Vincent Michelot, professeur des universités à Sciences Po Lyon et co-auteur du livre Le bilan d'Obama (Presses de Sciences Po).
Pourquoi une telle débâcle ? Le manque de représentation des minorités au sein du parti, qui contraste avec l'élection du premier président noir coté démocrate, n'est pas la seule en cause. Certes, George W. Bush, issu d'une dynastie politique on ne peut plus WASP (White anglo-saxon protestant), n'était pas vraiment connecté à l'immigrant mexicain moyen par nature.
Le "compassionate conservatism" aux oubliettes
Mais l'ancien président, auquel il faut bien accorder ce crédit, "avait eu l'intelligence de comprendre cette évolution démographique", souligne Soufian Alsabbagh, auteur de La nouvelle droite américaine : la radicalisation du parti républicain à l'ère du Tea Party, réconciliant la droite chrétienne et les minorités grâce à un discours empreint de religieux, et de ce qu'il nommait lui-même "compassionate conservatism".
Le DREAM act, soutenu par Barack Obama pour offrir une voie de régularisation aux jeunes immigrés arrivés enfants sur le territoire américain, a après tout été introduit pour la première fois en 2001, pendant le premier mandat de George W. Bush. Jusqu'à la fin de son deuxième mandat, l'ancien président a tenté à plusieurs reprises de faire passer des mesures permettant la régularisation de certains immigrants - avant, il est vrai, de se heurter à l'opposition des parlementaires de son camp.
Le parti républicain a adopté un discours intransigeant sur la question. Son opposition actuelle au DREAM act en est le meilleur exemple : à l'échelle nationale, le parti républicain a joué l'obstruction sans proposer d'alternatives. A l'échelle locale, il a été à l'origine de politiques très dures envers les immigrés dans certains Etats comme l'Arizona.
Un candidat trop faible face aux extrêmes
Pour le parti républicain d'aujourd'hui, l'équation dérape peu après l'élection de Barack Obama avec la montée en puissance des ultra-conservateurs. Elle atteint un point d'orgue en 2010 avec l'arrivée au Congrès du Tea Party. Dans ce contexte de droitisation galopante du parti, tout discours modéré est perçu comme du laxisme, le libéralisme extrême devient la norme.
Beaucoup de modérés, marginalisés, regrettent cette radicalisation qui a lourdement pesé sur la campagne et la rendent responsable de la défaite. Ancienne gouverneure du New Jersey, Christine Todd Whitman dénonce en une de Politico une erreur de jugement : "La modération aurait fonctionné", souligne-t-elle, regrettant que Mitt Romney n'ait pas fait campagne comme l'ex-gouverneur modéré du Massachusetts qu'il était.
Pour Vincent Michelot, cette inconsistance du candidat est justement au cœur du problème. Manquant de "moelle épinière idéologique", le candidat a au contraire cédé à la pression de la base militante et "n'a pas pu imposer au parti républicain un certain nombre d'idées qui le rendraient électoralement viable". Pour un peu, on se dirait presque que George W. Bush, au moins, savait ce qu'il faisait. Presque, j'ai dit.