Il en existe peu. Trois exactement. Ce sont des albums sur l’histoire du Front national réalisés par des partisans du parti lepéniste. Le premier, L’Album Le Pen, sort en 1984, aux éditions Intervalles. Neuf ans plus tard paraît 20 Ans au Front. L’histoire vraie du Front national (éditions nationales). Le dernier, Le Pen. Album du Front national (Objectif France), est publié en 2001.
C’est une histoire édulcorée ; des photos tirées, pour la plupart, des archives personnelles de Jean-Marie Le Pen mêlées à des écrits retraçant des moments à la gloire du parti et de son représentant. Les trois albums ont été écrits et réalisés dans la même perspective : donner une autre image du FN, de son histoire et de ses acteurs. Si Yann Le Pen prend en charge celui qui paraît à la veille de l’élection présidentielle de 2002, Damien Bariller et Franck Timmermans se chargent de composer le 20 ans au Front.
L’ouvrage de Patrick Buisson, La cause du peuple, est en librairie. L'ancien journaliste de Minute y affirme, notamment, que Nicolas Sarkozy a eu des contacts avec Jean-Marie Le Pen entre les deux tours de l'élection présidentielle de 2007 par son intermédiaire et que l'ancien Président de la République partagerait des valeurs communes avec le Front national. Patrick Buisson connaît bien l'extrême droite française. Ses liens avec elle sont avérés. Le sont moins ses intrusions dans l’histoire du FN… et, pas seulement, par le biais de l’écriture.
Le premier album nous intéresse particulièrement. Paru en 1984, L’Album Le Pen est réalisé « sous la direction de Patrick Buisson et Alain Renault ». 159 pages de textes et photos revenant sur une vie, au sens large du terme, de Jean-Marie Le Pen. Parmi les contributeurs François Brigneau, André Dufraisse, Roland Gaucher… Patrick Buisson y signe les pages 106 et 107 intitulées « L’Heure de Vérité ». Elles reviennent sur le premier passage de Jean-Marie Le Pen à l'émission politique du 13 février 1984. Le chapeau signé de l’ancien conseiller de Nicolas Sarkozy est composé de quelques signes : « 59 minutes de vérité… et une minute de silence ». L'homme, présent sur le plateau, ne fait pas seulement part de sa satisfaction à propos de la prestation médiatique de Jean-Marie Le Pen : « Du jamais vu dans les annales de l’État-spectacle depuis le gueule de Maurice Clavel, ponctué du célèbre "Messieurs les censeurs, bonsoir ! "» Patrick Buisson revient également sur Jean-Louis Servan-Schreiber en ces termes : « un adversaire dont la haine transparaît par tous les pores de la peau et dont l’agressivité, la morgue de grand bourgeois cafard ont fait tant et si bien que le piège qu’il avait cru pouvoir tendre s’est finalement retourné sur lui ».
La même année sort OAS, Histoire de la résistance française en Algérie (éditions Jeune Pied-noir). L'ancien chef de l'OAS Pierre Sergent signe la préface. Patrick Buisson en est l’auteur avec l’ancien secrétaire général du Parti des Forces nouvelles (PFN) Pascal Gauchon, Deux ans plus tard parait Le Guide de l'Opposition. Signé avec Alain Renault, cet ouvrage recense les partis, personnes et clubs de droite et d'extrême droite des villes de France dans la perspective d’une alliance contre la gauche. Il est visible le premier trimestre de 1986, peu avant les élections législatives. Des photos apparaissent en Une du Guide, notamment celles de Valéry Giscard d’Estaing, de Jacques Chirac, de Raymond Barre et de Jean-Marie Le Pen.
Il s’agit d’inscrire ces ouvrages dans la période historique des années 1983-1986, à savoir le temps de l’émergence politique du FN. L’élection de dix députés aux Européennes de juin 1984, les cantonales de mars 1985 et les législatives, un an plus tard, confirment la dynamique enclenchée. Elles rendent également lisibles une des stratégies pérennes du FN : ne pas se présenter sous son nom mais sous une autre dénomination. Aux élections européennes, Jean-Marie Le Pen conduit la liste « Front d’opposition nationale pour l’Europe des patries ». Les trente-cinq députés élus, en mars 1986, le sont sous le label « Rassemblement national ». L’objectif visé ? Attirer une autre clientèle politique que celle de l’extrême droite traditionnelle. À ces législatives, Jean-Marie Le Pen propose à Patrick Buisson d’être candidat. L’homme décline.
« Patrick Buisson, c'était quelqu'un qui était assez proche de nos idées, oui, c'est vrai. C'était un garçon pour lequel j'avais de la sympathie, et je pensais peut-être que c'était réciproque », se souvient l'ancien président du FN à l’occasion d’un reportage TV sur cet homme de l'ombre... qui affiche, d'ailleurs, sa présence à côté de Jean-Marie Le Pen lors d'un meeting du FN en 1985.
Jean-Marie Le Pen continue ainsi : « S'il avait voulu être membre du Front national, il aurait certainement été accepté, et très volontiers, mais je crois qu'il tenait à rester à l'écart de l'engagement politique formel ».
Une autre personne émerge parmi les proches de Patrick Buisson : Alain Renault. Patrick Buisson le côtoie à la faculté de Nanterre à la fin des années soixante dans le cadre du syndicat d’extrême droite, la FNEF (Fédération nationale des étudiants de France). Il y rencontre aussi de futurs cadres du FN tels Marie-France Charles (Marie-France Stirbois) et Bruno Gollnisch. Alain Renault est élu Secrétaire général du FN le 1er novembre 1976 lors du quatrième congrès du parti. Il est, à ce moment, rédacteur en chef avec François Duprat des Cahiers européens, la publication nationaliste-révolutionnaire.
L’Album Le Pen est rare. Sur les sites français de vente d’occasion, un est actuellement proposé au prix de 80 euros. Pourquoi est-il quasiment introuvable ? Quelques-uns évoquent la présence du nom Buisson sur la couverture. La réponse serait ailleurs. L’Album Le Pen est peu distribué en raison de la présence de nombreuses photos de l’ex-femme de Jean-Marie Le Pen. La parution du livre et le départ de Pierrette Le Pen de Montretout, en octobre 1984, se déroulent quasiment au même moment.