Le 13 février 1984, Jean-Marie Le Pen fait sa première Heure de vérité. Ce soir-là, le président du FN dit ne pas considérer l’homosexualité comme un « délit » mais « de toute évidence comme une anomalie biologique et sociale ». La dénatalité - qu’il présente comme une des conséquences de l’homosexualité - représente tout « comme l’immigration » une menace pour la France.
Plus de trente ans après, l’ancien président du FN revient, à sa façon, sur l’homosexualité. Entre temps, et à diverses reprises, il s’est exprimé sur ce sujet. Ce 9 mai, il publie sur son compte Twitter une photo sur laquelle figure Florian Philippot, vêtu d’un costume de chevalier, assortie de ce commentaire : « Don Quichotte de La Jaquetta avec Dulcinée. Alors on comprend tout... ». Une énième sortie du co-fondateur du FN qui vise le vice-président chargé de la stratégie et de la communication et non son orientation sexuelle.
Un positionnement générationnel
Jean-Marie Le Pen a toujours accepté dans son cercle politique et privé des personnes homosexuelles. En 2006, il affirme d’ailleurs ne pas souhaiter l’abrogation du PACS (Pacte civile de solidarité). Certaines de ses déclarations l’amènent sur un autre terrain : le comportement et la visibilité d'homosexuels au sein du FN. En 1995, lors de l’université d’été de son parti, il dit notamment ceci : « Je confesse qu’il doit y avoir des homosexuels au FN, mais il n’y a pas de folles. Les folles, on les envoie se faire voir ailleurs ».
C’est davantage un positionnement générationnel ayant trait au FN historique. Une position conservatrice se révélant incompatible avec le FN des années 2010. Elle oppose cette première génération de frontistes dont certains ne cessent de mettre en avant leurs qualités d’anciens combattants ; une sorte d’homme viril exalté par le FN des années de Jean-Marie Le Pen.
Quant à Marine Le Pen, elle envoie des signes aux homosexuels dès les années 2000. Une attitude qu’elle renforce après sa prise de fonction en janvier 2011. Ses diverses déclarations à propos des juifs, des musulmans, des homosexuels ne s’insèrent pas seulement dans la « dédiabolisation » du FN. Elles entendent la démarquer de l’histoire du FN du père tout comme de celle de l’extrême droite radicale. Après s'être officiellement affranchit de l'héritage antisémite du FN paternel (Le Point, 3 février 2011), elle déclare le 1er mai 2011 lors de la fête de Jeanne d’Arc : « Qu’on soit homme ou femme, hétérosexuel ou homosexuel, chrétien, juif, musulman ou non croyant, on est d’abord français ! ».
Depuis le Congrès de Tours, le FN de Marine Le Pen affiche ses évolutions (dont certaines sont à l’origine de tensions au sein de la direction du FN) en phase avec celles de la société française. Le FN serait-il devenu gay friendly ?… alors même, qu'officiellement, il s’oppose aux mariages des couples homosexuels, à l’adoption et à la PMA (procréation médicalement assistée). Le positionnement du FN aux manifestations contre le mariage pour tous, début 2013, expose le clivage du parti sur cette thématique : d’un côté, Marine Le Pen et Florian Philippot refusent de s’associer à la manifestation. De l’autre, Marion Maréchal-Le Pen et Bruno Gollnisch s’y retrouvent, avec d’autres représentants de leur parti.
Une nouvelle fois, le décalage entre la génération mariniste et celle du FN historique est mise au jour. Les paroles que Roger Holeindre adresse à Jean-Marie Le Pen pour justifier son départ du FN de Marine Le Pen le montrent bien. Cet ancien de l’Indochine et de l’Algérie invoque l’entourage de la présidente du FN. Il ne sera pas le seul : « ta fille à qui tu as donné le parti ne représente plus mes idées, pas plus d’ailleurs que les tiennes. En plus, elle s’est entourée de pédés et ça ne me plaît pas. (...) Moi, je suis pour les quotas dans la vie, et là, le quota a été dépassé puisque dans son entourage direct, il y a quinze ou vingt types homosexuels dont beaucoup sont en ménage entre eux. (...) Voilà, il y en a vingt-deux. Voilà la liste ».
« Existe-t-il un lobby gay au FN ? »
.... titrait Minute le 2 janvier 2013. Tout en répondant par l’affirmative, l’hebdomadaire d’extrême droite s’attardait sur le cercle rapproché de Marine Le Pen – sorte de direction parallèle souvent dénoncée par les militants. Le 18 décembre 2014, Rivarol affichait ce titre : « Le néo-FN est une vraie cage aux folles ».
Sébastien Chenu, le nouveau secrétaire départemental de la fédération du nord, incarne-t-il le « gay pouvoir » au FN ? Aujourd'hui, on parle de lui comme l'éventuel directeur de campagne de Marine Le Pen. Sa venue au RBM en décembre 2014, tout comme son ascension fulgurante au sein du FN, n'a pas été appréciée par tout le monde au FN. Aujourd'hui, ça va mieux. Un profil et un passé dérangeants ? Co-fondateur de Gaylib et ancien secrétaire national de l'UMP, Sébastien Chenu explique les raisons qui l'ont poussé au FN : « Il y a beaucoup de gays dans la vie politique. Regardez à la mairie de Paris ou dans l'entourage de Jean-François Copé... Pourquoi? Peut-être parce que cette vie demande beaucoup de temps disponible et que les homos en ont plus que les familles traditionnelles. Maintenant, pourquoi Marine Le Pen ? Sans doute parce que nous devons conquérir notre espace de liberté. Or Marine incarne ce pied de nez à la bien-pensance, ce sentiment de fierté pour les gens qui se sentent humiliés, qu'ils soient homos ou ouvriers ».
En février 2016, une étude du Cevipof, Orientation sexuelle et action publique : les bénéficiaires du mariage pour tous votent-ils plus à gauche ?, rend compte que 32,45 % des couples homosexuels mariés ont voté FN aux dernières régionales contre 29,98 % pour les couples hétérosexuels mariés ; le centre de recherches comparant les votes des couples hétérosexuels et ceux des couples homosexuels qui se sont mariés depuis la loi Taubira (mai 2013) sur le mariage pour tous. Parmi les conclusions, deux enseignements ont certainement attiré les regards des frontistes : les couples homosexuels ont majoritairement voté pour le FN. Et c'est le parti de Marine Le Pen qui enregistre la plus grande progression chez les hommes homosexuels.