Depuis de longues années, la droite courtise les électeurs du FN ; des appels à des moments clés de la vie politique française. L'hold-up idéologique de la droite sur le FN se concrétise au début des années 1990. Le Rassemblement pour la République (RPR) et l'Union pour la démocratie française (UDF) radicalisent leurs discours sur l’immigration et envoient des signes à l’électorat frontiste en reprenant, à leur compte, la forme et le fond du discours lepéniste. Jean-Marie Le Pen « n’ayant pas le monopole de ces thèmes », explique Jacques Chirac (alors président du RPR et maire de Paris) en 1991, il « faut se les approprier ».
Ces quelques mots de Robert Pandraud (RPR, Seine-Saint-Denis), dits au moment de la scission du FN en 1998, expriment bien ce que vise la droite - et avec quels thèmes de campagne - à ce moment précis : « Dans une "triangulaire", je récupère 40 % des électeurs FN. Les autres se partagent entre une large abstention et l’extrême gauche. Pourtant, je fais campagne depuis dix ans sur trois thèmes qui peuvent les séduire : l’expulsion des étrangers délinquants ; la baisse de la fiscalité et du nombre des élus ; la sécurité ».
Paroles de dirigeants mais aussi certains de leurs actes montrent indéniablement leur positionnement autour de cet espace politique des droites françaises. À plusieurs reprises, Nicolas Sarkozy s’empare de la phraséologie du FN pour parler à ses électeurs. De ce fait, il s’inscrit en vrai avec certaines thématiques frontistes. En octobre 2005, le Ministre de l’Intérieur lance ces quelques mots à la Cité du Val d’Argent à Argenteuil : « Vous en avez assez de cette bande de racailles. On va vous en débarrasser ». Au printemps 2007, la création d'un ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale ne fait pas que reprendre une dénomination qui s’approprie les marqueurs sémantiques frontistes. Elle établit également une corrélation entre l’immigration et la délinquance et/ou l’insécurité.
Aujourd'hui, le président de Les Républicains refuse le front républicain pour faire barrage au Front national. Sa stratégie politique perdure tout comme son objectif : « droitiser » ou plutôt « frontnationaliser » son discours et envoyer des signes aux électeurs à droite de la droite et à ceux du FN. Au-delà, il s’agit de décomplexer la droite française et de courtiser les électeurs FN.
Retour sur quelques-uns de ses propos :
Février 2007 : le Président de l’UMP, à quelques mois de l’élection présidentielle, ne cache pas un de ses objectifs : « séduire les électeurs du Front national ».
Juillet 2010 : Le Président de la République déclare lors du discours de Grenoble : la France paie les « conséquences de quarante ans d’immigration incontrôlée ».
Avril 2012 : Pour Nicolas Sarkozy, « Le Pen est compatible avec la République. »
Décembre 2015 : à son premier meeting électoral de l’entre-deux tour des régionales, le Président de Les Républicains reste sur l’ensemble de ses positions : « Il y a 6 millions de Français qui ont voté pour le FN. Je veux leur dire une chose : le vote pour le FN n’est pas un vote contre la République car si c’est un vote contre la République, pourquoi la République autorise-t-elle depuis trente ans des candidats du FN à se présenter ? (…) Trop, c’est trop ! On ne pourra pas continuer à accueillir tous ceux qui veulent venir sur le territoire de la République alors que nous n’avons plus d’argent, plus d’emplois, plus de logements… ». Nicolas Sarkozy met, également, sur le même plan le candidat PS et celui du FN de la région Aquitaine-Limousin-Poitou-Charentes.
Cet été, l’ancien président de la République se « confessait » à l’hebdomadaire Valeurs Actuelles. De nouveau, il s’adressait aux électeurs tentés par le vote FN, mais là, la perspective était différente. L'objectif clairement annoncé était la présidentielle de 2017. Après avoir répété son refus d’accord avec le FN pour tout type d’élection, Nicolas Sarkozy demandait aux électeurs « de ne pas poursuivre la politique du pire. Voter Front national au premier tour, c'est faire gagner la gauche au second. C'est aboutir au même résultat que la situation actuelle. Au final, c'est donc le statu quo (…). On doit lutter contre le FN en essayant de convaincre ceux qui veulent voter pour lui, en apportant des solutions à leurs angoisses, et non pas en les méprisant ou en leur donnant des leçons ».
Après avoir rappelé les préoccupations essentielles de ses compatriotes, le « chômage, l'immigration, l'insécurité, trois sujets sur lesquels ils ont le sentiment qu'on ne leur dit pas la vérité », il poursuivait : la « question de la confiance sera centrale en 2017 » tout en insistant sur « l'inquiétude profonde des Français sur nos valeurs et notre identité ».
Nicolas Sarkozy affirme aujourd'hui, de nouveau, son positionnement - critiqué par certains de ses pairs - au sein de son clan politique. Avant l'élection de 2017 s'intercale la primaire des Républicains, étape décisive pour celui qui souhaite porter les couleurs de sa formation politique à la prochaine présidentielle.
Lorsque j’ai rencontré Louis Aliot en 2013, celui-ci m’avait dit à propos de Nicolas Sarkozy en se référant à l'élection présidentielle de 2007 : « Le discours politique n’a pas eu beaucoup d’incidence à cette présidentielle. Sarkozy parlait comme Le Pen ».