Troisième réunion du FN pour les départementales... Un après-midi de mars à Uzès

Y.GIllet, P. Richet, D.Cariou et J. Sanchez lors d'une réunion électorale FN à Uzès. mars 2015

Une bonne trentaine de personnes viennent entendre leurs représentants mais aussi les élus, les « vedettes » du département du Gard. Parmi elles, Gilbert Collard qui annule sa présence à la dernière minute. Il est occupé ailleurs. Murmures de déception de l'auditoire... C'est la troisième réunion des candidats FN Dominique Cariou et Philippe Richet pour le canton d'Uzès. Ce 14 mars, dans la salle Racine de la mairie d'Uzès, tous font preuve d'un certain optimiste quant à l'issue du vote... même si depuis 1945, la gauche a quasiment toujours géré ce département du sud de la France.

Le FN peut-il y « décrocher » quelques cantons ? Et pourquoi pas la présidence du Conseil général ? Quelques-uns osent y croire mais à voix basse. Certes, ce département ne fait pas partie des favoris... mais il possède des « atouts ». Le Gard est une terre réceptive au vote FN depuis une trentaine d'années, davantage encore depuis 2008. Marine Le Pen y arrive en tête, au premier tour de la présidentielle de 2012, avec 25,51% des voix... tout comme son père, dix ans avant, avec un résultat quasi similaire. Ce département compte également un député RBM - Gilbert Collard - depuis juin 2012 ainsi qu'un maire et une ville FN : Julien Sanchez et Beaucaire.... le canton n°6 qui pourrait être « gagnant », selon le FN.

Seront-ils élus dans le canton d'Uzès, l'un des 97 cantons de la région Languedoc-Roussillon ? Feront-ils partie des 46 conseillers départementaux des 23 cantons du Gard où le FN affiche partout sa présence ? Pour l'instant, Dominique Cariou et Philippe Richet, entourés de leurs amis politiques, finissent les derniers préparatifs. Le portable du responsable du Canton d'Uzès sonne, annonçant le retard de Julien Sanchez et Yoann Gillet. Le premier est, entre autres, conseiller régional du Languedoc-Roussillon, maire de Beaucaire et délégué national du FN. À Beaucaire, le jeune trentenaire bénéficie d'une image relativement positive. Il se montre sympathique et (omni)présent pour ses administrés. Beaucaire est la ville FN où la progression du score entre les municipales et les européennes a été la plus forte. Faut-il y voir une spécificité du FN cumulé à un effet Sanchez ?

Yoann Gillet, lui, n'a pas trente ans et cumule les responsabilités dans le département. Il est secrétaire départemental du FN dans le Gard, président des groupes d'élus FN-RBM à Nîmes & Nîmes Métropole et directeur de cabinet de Julien Sanchez. Sa première adhésion au FN remonte à 2008. Trois ans plus tard, il est nommé secrétaire aux adhésions et à la communication du FN du Gard. Depuis, il ne cesse de gravir les échelons. Pour les dernières municipales, il est tête de liste de « Nîmes ville française ! ».

Un maître-mot: la proximité

Les deux élus FN arrivent tout sourire. Julien Sanchez s'approche du public et serre la main de chacun, leur glissant un mot. Il ne connaît pas la plupart de ces personnes présentes dans la salle, acquises pour la majorité aux idées FN. Mais l'homme prend son temps. Il écoute aussi. Une femme lui explique qu'elle est l'amie d'une adhérente FN qui n'a pu se déplacer car « prise » par l'hospitalisation de son fils. Julien Sanchez ne manque pas de lui demander de la saluer de sa part. « Proximité »... un des maître-mots du langage frontiste.

 Pour ces départementales, le FN mise beaucoup sur la politique de proximité et sur son implantation locale. Au FN, ils savent que l'ancrage local a manqué à Marine Le Pen en 2012. Aussi, le parti surfe sur plusieurs registres, inhérents à la nature de cette élection et aux contexte politique : implantation locale, pêche aux abstentionnistes, dédiabolisation, présidentielle de 2017.... Ces départementales ne sont pas seulement « porteuses d'espérance » en nombre de voix pour la communauté FN. Elles représentent une marche supplémentaire vers 2017. Depuis l'accession à la présidence de Marine Le Pen, son parti n'a jamais commis de fausses notes sur le plan des résultats électoraux. Ils  sont en constante progression. Les élections des 22 et 29 mars devraient suivre cette ligne. « Gagner » les départementales, puis la région et ensuite la présidence : un discours et un objectif affichés, répétés sans cesse par les représentants du FN, notamment lors des réunions de campagne.

Depuis plusieurs semaines, les militants FN tractent dans les 31 communes gardoises de leurs cantons. Ils se réjouissent d'un nouvel aspect, inhérent à l'histoire des dernières années : l'augmentation du nombre de militants et adhérents FN. Aujourd'hui, « on nous téléphone pour nous aider. Les militants sont de plus en plus nombreux », se réjouit Philippe Richet qui appelle au « rassemblement de tous les déçus de la gauche et de la droite ».

 Voter pour le "véritable changement"

La réunion commence. Les thématiques développées sont les mêmes qu'ailleurs, à savoir les lignes-forces du programme des départementales, relayées par le siège parisien :

- Un « choix » - la « continuité avec ceux qui ont tout raté » ou le « véritable changement », axé sur trois points principaux :

-1. le renforcement de la sécurité dans les collèges.

-2. aucune augmentation d'impôt.

-3. la défense du département.

-  Un thème majeur, départementalisé pour la circonstance : faire des économies !

- Des adversaires de faible envergure avec une UMP sans programme politique et un PS focalisé sur son combat contre le FN.

 

Certaines petites erreurs des réunions précédentes ont disparu. Honneur à madame... Dominique Cariou intervient la première. Philippe Richet n'accroche plus son nom lorsqu'il la présente. Elle se détache légèrement de son papier... expose ses souhaits et affirme, de nouveau, sa fidélité et son admiration à Marine Le Pen. C'est une élection « très importante » ; le département étant le maillon entre les communes et l'État. « Nous représentons tous Marine Le Pen. Ces élections servent à ancrer le FN sur tout le territoire. Il s'agit de hisser Marine au sommet de la France. Y'a qu'elle qui puisse sauver la France. Il faut redonner à la France sa fierté, sa notoriété et son respect. Il n'y a que Marine qui puisse faire ça. Nous devons poser nos jalons sur tout le territoire français, convaincre les gens, leur demander de faire une procuration. Chaque voix compte » et de donner les horaires de permanence du tribunal d'Uzès pour les procurations.

Comme elle, Philippe Richet entonne le même discours que celui prononcé aux réunions précédentes. En cas d'élection, il soutiendra l'agriculture, luttera contre le « gaspillage » et prévoira le renforcement de la sécurité dans le canton d'Uzès. Il faut donner aux habitants du département et des communes « de l'espoir, du renouveau ». Il fera le « maximum pour les protéger ».

C'est un des leitmotivs du FN : ses candidats ne sont pas des professionnels de la politique.. même si une majorité des candidats FN aux départementales sont des conseillers municipaux. Élus en mars dernier, ils ont donc suivi, pour la plupart, des sessions de formation politique au siège du parti, à Nanterre. L'important n'est pas là, souligne Julien Sanchez. Les électeurs votent pour des personnes « sincères qui représentent leurs électeurs ; des gens lucides qui incarnent la droite ligne de Marine Le Pen. Ils connaissent les problèmes des Français et ont envie de bien faire pour qu'ils puissent être fiers de leur pays ». Des gens qui ont les mêmes préoccupations qu'eux ; des candidats qui leur ressemblent. « Il faut arrêter de faire de la politique uniquement avec des gens qui ne vivent que de la politique ».

Deux choix pour Yoann Gillet, également candidat dans le canton de Marguerittes avec Viviane Tisseur : « continuer et foncer dans le mur ou se diriger vers l'avenir et choisir, enfin, le parti qui n'a jamais été essayé. Le FN adopte un programme de bon sens qui doit inverser la tendance. À dix jours du premier tour, le PS continue de faire des promesses sur des éléments assez hallucinants alors que jusqu'à maintenant, ils n'ont pas été capables de faire quoique ce soit. L'UMP se trouve dans le même état d'esprit. Pour que des millions d'investissements puissent être faits, il faut qu'il y ait, avant tout, des économies ».

Le jeune homme rappelle, en quelques mots, les principales thématiques frontistes  proposées à l'ensemble des départements : une stabilisation, et pourquoi pas, une réduction du nombre de fonctionnaires ; une  baisse « drastique » des frais et des indemnités des élus et aucune augmentation des impôts. Yoann Gillet s'adapte à l'échelle départementale en rappelant, le taux de chômage de ce département « sinistré » - près de 15% - qu'il ne manque pas d'associer à une « insécurité » plus importante qu'ailleurs. Le FN dit vouloir investir dans le département et créer des infrastructures pour faire venir les entreprises. Nous « ne vous promettons pas monts et merveilles. Nous avons le sens des priorités : la première des choses qu'il faut travailler sont l'emploi et le développement économique ».

L'Europe contre la nation

Nous « sommes là », affirme Julien Sanchez, pour « défendre l'identité de notre département. Nous ne voulons pas de sa disparition ». Ce ne sont pas deux choix mais deux schémas qui servent de fil conducteur à son intervention. Le premier, celui des adversaires politiques du FN, qui se base sur l'Europe et la communauté de communes. Le second, « à l'opposé », s'incarne dans trois entités : la commune, le département et la nation.

Son discours est anxiogène et réactive, de ce fait, un des marqueurs intemporels du discours frontiste. Parler de l'état du pays, c'est ce qui l'inquiète aujourd'hui, explique le jeune maire FN de Beaucaire. Tous les « voyants sont au rouge. La situation est grave dans beaucoup de domaines ». Le thème de l'insécurité imprègne ses propos. Pendant ces réunions, le FN revient à ses thématiques phares comme la « lutte contre l’immigration », liée à l’insécurité. Les « pompiers, policiers et personnels soignants », affirme Julien Sanchez, « ne rentrent plus dans certains quartiers. La justice se montre laxiste. Il n'y a cas constater l'état de nos prisons remplies de jeunes qui fument le shit et le narguilé et relaient les images avec leur téléphone portable ».

Le lien entre islamisme et terrorisme

Julien Sanchez poursuit sur les attentats de janvier, rompant la discrétion et la mauvaise gestion du FN de cet événement. Son interprétation et ses propos permettent d'aborder un autre thème frontiste central, celui de l'islamisme, un des marqueurs du discours FN depuis 2010. Le message de Julien Sanchez se résume à ceci : le danger islamiste s’oppose aux valeurs laïques véhiculées par la démocratie, fondements de la République française. Le lien entre islamisme et terrorisme est affirmé. L’ennemi affiché n’est plus le juif. Il s'incarne plus que jamais dans le Français musulman.

Ses propos sonnent assez justes dans cette salle acquise, sans conteste, à l'homme et à ses idées. Ce qu'il faut retenir, explique-t-il, ce sont les « raisons de cet attentat. Des hommes ont été tués car ils ont osé caricaturé le prophète Mahomet sur le sol français. Des juifs ont été tués car ils étaient juifs... et n'oublions pas : les tueurs sont des islamistes. Nos opposants sont opposés à la peine de mort mais se montrent ravis de voir les assassins tués par le GIGN. Combien de jeunes n'ont pas respecté la minute de silence ? Quelles ont été les réactions dans les salles de classe ? Ce sont des dizaines de milliers de Français qui, à cause de nos gouvernants, n'ont pas été respectés. Nous avons eu des attentats islamistes sur notre sol. Les élus ont préféré construire des mosquées plutôt que défendre notre patrimoine ».

 Le dernier thème abordé est commun à tous les intervenants : c'est celui de l'abstention. En règle générale, les départementales (anciennes cantonales) battent des records dans ce domaine. L'argumentaire de Julien Sanchez est rodé et partagé par tous, depuis les municipales du printemps 2014. Les cadres et élus frontistes ne cessent de le répéter à leurs militants et électeurs. Voter est un devoir. Il ne suffit pas d'être convaincu. Il faut porter la bonne parole à son entourage : « Si vous convainquez une personne : cela fera deux votes et Marine Le Pen ne fera plus 18% mais 36%, à savoir deux fois plus qu'à la présidentielle. En convaincre deux, nous en serons à trois votes et 54%. Le Gard a fait 30% de voix aux européennes. Il n'y a pas grand monde à convaincre pour dépasser les 50%. Dès le premier tour, soyons largement en tête ».

Le site internet du FN vient de mettre en ligne une formulaire intitulé : « Procurations : faites la démarche dès aujourd'hui ».

L'objectif : 2017

   Les quelques questions posées par le public portent, essentiellement, sur la présidentielle de 2017. On se demande comment Marine Le Pen pourrait « gouverner » en étant minoritaire à l'Assemblée. On exprime également son désir d'une « Sixième République ». Julien Sanchez répond à chaque question. Il évoque la possibilité d'une période de cohabitation, parle de référendums pour « prendre à témoin le peuple français, pour écouter les électeurs sur les grandes questions ». Le maire de Beaucaire affirme l'urgence d'une nouvelle République afin de « changer radicalement la façon de fonctionner ». Même Jean-Marie Le Pen en parlait, rappelle-t-il. « Deux députés pour six millions d’électeurs, c'est aberrant »... une allusion très nette à la mise en place de la proportionnelle en cas de victoire.

  Car tous s'y voient déjà. Ils veulent croire qu'après les municipales, les européennes et peut-être les départementales, le slogan frontiste « Le FN premier parti de France » pourrait devenir réalité. Nous « avons beaucoup de patriotes représentés. Nous nous situons à la limite à chaque élection partielle. On va les atteindre les 50% ! Dans une semaine, je suis persuadé qu'on va avoir de très grosses surprises ». Julien Sanchez poursuit, particulièrement optimiste. Le matin même, il se trouvait à Caissargues - un village au sud de Nîmes - avec Marion Maréchal-Le Pen et se réjouissait du « monde » présent dans la salle. Avant il « y avait deux ou trois personnes. Elles sont vingt fois plus aujourd'hui ».

Ce sont ses derniers mots adressés à ses « amis » d'Uzès : les électeurs du FN, affirme Julien Sanchez, « veulent de vrais hommes d'État, veulent que les méchants tremblent et que ceux qui sont honnêtes vivent tranquillement. Il est plus que temps de réaffirmer notre identité. Nos traditions sont menacées. Nos opposants ne s’intéressent pas aux problèmes des Français et se permettent, en plus, de nous donner des leçons ». La salle est debout. Applaudissements.