À la direction du FN, on se montre optimiste, voire même enthousiaste. Le pronostic pour les élections départementales ? Pourquoi pas la victoire dans quatre départements : l'Aisne, l'Oise, le Var et le Vaucluse ? On lorgne également le Gard, l'Hérault... et le Pas-de-Calais. Pour le FN, les enjeux de ces élections sont multiples. Ils s'inscrivent dans son histoire et dans les défis que le parti s'engage à relever depuis l'accession de Marine Le Pen à la présidence du FN lors du Congrès de Tours (15-16 janvier 2011).
Depuis la présidentielle de 2012, le FN se situe dans une dynamique électorale. Et depuis les municipales de mars 2014, 11 mairies et environ1 600 conseillers municipaux portent ses couleurs. Le dernier résultat du scrutin législatif partiel dans la quatrième circonscription du Doubs montre, une nouvelle fois, l'appétit électoral frontiste. Un des enjeux des départementales reste de savoir qui sera en tête lors du premier tour : le PS, l'UMP ou le FN sachant que la perspective des triangulaires, vu la nature et la configuration du vote, est faible.
Le résultat des prochaines élections s'inscrit dans un avant. Comme l'explique Nicolas Bay, entre autres secrétaire général du FN et directeur de la campagne des élections départementales, le maillage construit depuis les dernières municipales devrait porter "ses premiers fruits" à ces départementales lors desquelles le FN sera candidat pour la première fois dans de nombreux cantons. Les départementales préfigurent également les régionales de décembre 2015 et, à plus long terme, la présidentielle de 2017. Pour le FN, chaque élection consolide un peu plus sa base électorale. Rejetant toute alliance avec "l'UMPS", Marine Le Pen entend s'y appuyer pour la prochaine présidentielle.
La réforme du mode de scrutin, basé sur la parité hommes-femmes, réclame deux titulaires et deux remplaçants. Elle n'a pas posé de problème particulier, affirme-t-on au sein du parti. Le FN s'engage à être présent dans la quasi-totalité des cantons. Son pari est en passe d'être gagné puisqu'il s'affiche dans plus de 90% des cantons. Comme l'atteste un tract interne, l'intérêt de cet ancrage est triple :
- Il est politique : le FN entend participer à toutes les élections "suivant le leitmotiv selon lequel un électeur FN doit toujours avoir la possibilité de voter FN".
- Il est psychologique : "l’effet produit sur les électeurs et les observateurs par une France intégralement pourvue en candidats bleu marine sera important, puisque nous serons le seul mouvement politique à en être capable. Présenter 8216 candidats (4 par canton) sera considéré comme un exploit comparable aux 600 listes municipales de mars dernier".
- Il est militant puisque la "présence de candidats FN dans chaque canton génèrera une activité militante liée aux impératifs de la campagne ; cela permettra de remobiliser les équipes, de susciter de nouvelles vocations et de 'maintenir la pression' sur le terrain en vue des élections régionales".
Le FN affirme présenter des candidats de proximité, sérieux et implantés. Il veut ainsi éviter toutes critiques formulées lors d'élections locales antérieures. L'époque où le candidat était parachuté au sein d'une région et/ou d'une ville inconnues est-elle révolue ? C'est en tout cas ce que le FN veut faire entendre. Les investitures ont été accordées "prioritairement sur critère d’implantation locale, en tenant bien entendu compte des états de service des candidats à la candidature et de leur profil". Il faut savoir que la plupart des candidats sont les élus municipaux frontistes.
Certains cadres ont un patronyme connu, une action ancienne et pérenne au sein de territoires. Michel Guiniot, président du groupe FN à la Région Picardie et Secrétaire départemental du FN, est tête de liste pour les élections dans l'Oise ; un des départements favoris pour les départementales. Depuis des années, il y porte, avec ses coéquipiers, un discours de proximité, réactivant les fondamentaux frontistes tout en surfant sur cette "France des invisibles".
Depuis le Congrès de Tours, le FN a connu une crise de croissance sans précédent dans son histoire. À la tête du parti, on est conscient que la majorité des adhérents n'ont jamais fait de politique. Peu de cadres expérimentés se sont présentés pour les Municipales. Un an plus tard, un peu plus répondront à l'appel pour les départementales. Si le FN montre sa priorité dans la formation politique de ses cadres et militants, il lui faut encore du temps afin d'acquérir une organisation locale et une base militante solides... et de s'affirmer comme un parti de professionnels de la politique.
Le FN pourrait renouer avec son histoire sur certains points. Existe-il un profond décalage entre sa base militante - ses femmes et hommes de terrain, ses messagers politiques qui s'investissent et portent la parole FN sur le terrain - et ses dirigeants ? Les divisions internes au sein de la direction ne sont-elles pas en train de s'accentuer ? Depuis des décennies, des divergences profondes existent au sein de ce parti qui, par sa nature et son histoire, tente de contenter plusieurs publics et dont l'offre politique fluctue.
La phase de reconstruction du FN continue. Depuis Tours, à chaque élection de même nature, le FN obtient un résultat supérieur au précédent. Marine Le Pen est consciente que ces élections départementales représentent un nouveau palier dans son ascension politique. Elle sait, en même temps, que c'est au "niveau départemental que la marche est la plus haute". Il n'est pas difficile d'affirmer que le Front national fera mieux qu'aux dernières cantonales (20-27 mars 2011). Avec un résultat de 15% des voix au premier tour (et plus de 50% d'abstention), il avait obtenu l'élection de deux conseillers généraux sortants dans le Var et le Vaucluse.
Valérie Igounet