Dans quelques jours, les départementales (anciennes cantonales)... pour lesquelles le FN pronostique un résultat sans précédent. Mais qu'en est-il des précédentes élections de même nature ? Comment le FN s'est-il investi dans ses premières cantonales ? Retour quatre décennies en arrière. Ce 7 mars 1976, le Front national participe à sa troisième élection. Valéry Giscard d'Estaing est Président de la République et Jacques Chirac son Premier ministre. Les résultats des législatives (mars 1973) et de la présidentielle du 5 mai 1974 ont donné au FN peu d'espoir sur son avenir politique.
Tout d'abord, il convient d'apporter une petite précision « méthodologique » : à partir des législatives de mars 1986, le Ministère de l'Intérieur adopte l'étiquette « FN » pour rendre compte des résultats électoraux du Front national. Jusqu'à cette date, les principaux résultats du FN se lisaient sous la dénomination « extrême droite ». Les premiers « scores » frontistes se fondent donc dans ceux de sa famille politique, marginale dans les années soixante-dix.
« Votez dès le premier tour pour vos idées : contre la décadence et le communisme. Votez pour le candidat du Front National. »
Les professions de foi des candidats critiquent notamment la politique en place, réaffirment certaines valeurs fondamentales au FN dont celle de la famille et mettent en avant le marqueur central du parti : la « préférence nationale ». L'anticommunisme lie ce panel revendicatif, enrobé d'une phraséologie anxiogène, liée à l'insécurité et au déclin français, à l'anarchie qui gagne un pays gouverné par la droite... mais où la victoire de la gauche est incontestable pour ces cantonales. Le soir du premier tour, les résultats tombent : ceux de l'extrême-droite oscillent autour de 0,5%.
Pendant ses premières années d'existence, le FN est un parti embryonnaire : peu d'adhérents et de militants, des structures quasi-inexistantes et une situation financière désastreuse. Même si le parti d'extrême droite n'a aucune visibilité, ni réelle existence politiques, ses militants parlent de sa première décennie (1972-1981), la « traversée du désert », comme d'une période fondatrice à plusieurs égards. Quelques soient les résultats électoraux, les hommes du FN affirment défendre énergiquement leurs idées. C'est une bande de « camarades soudés » qui se dépense sans compter. Carl Lang retrace bien le contexte du milieu des années soixante-dix. Il est alors responsable de la Fédération de l'Eure (qui compte deux adhérents, lui compris !). L'homme mesure, comme la plupart de ses amis politiques du moment, les bénéfices que tous ont tiré de cette période fondatrice de l'histoire du FN : « C'est à cette époque que j'ai le plus appris. Nous avons connu des moments extraordinaires. Le Pen m'a appris la persévérance et à mener la bataille quelques que soient les résultats ».
Six ans après ces cantonales, la victoire de l'opposition est claire ; ceci une année après les succès de la gauche à la Présidentielle de 1981 et aux législatives. L'extrême droite ne décolle pas. La moyenne de ses résultats est inférieure à la barre des 0,5 %. Mais pour ces secondes cantonales (14-21 mars 1982), quelques différences notables sont à relever : le nombre des candidats FN a augmenté et certains résultats dépassent la barre des 10%.
Ils sont 65 à porter les couleurs du parti de Jean-Marie Le Pen. Plusieurs résultats se situent au dessus des 5% et quelques « scores » se remarquent : 13,30% dans la banlieue de Dunkerque (Grande-Synthe), 10,34% en Isère (Pont-de-Chéruy), 9,58% à Dreux-Est et 12,63% à Dreux-Ouest dans l'Eure. Le candidat investi pour les cantonales à Vernon (Eure) obtient 2,3% des voix ; un résultat hautement salué en interne et considéré comme une sacré victoire : « Cela a été un moment extraordinaire pour nous », se souvient Carl Lang. « Nous avons sabré le champagne ».
Ces résultats annoncent la suite de l'histoire. En peu d'années, les scores du FN vont passer de moins de 1% à près de 10%. Le parti est en route pour sa deuxième période : celle de son émergence électorale. Certains résultats soulignent des étapes dans l'histoire électorale du FN : les municipales de 1983 (dont l'élection partielle à Dreux en septembre), les européennes de 1984 et les cantonales un an plus tard lors desquelles 1521 candidats portent les couleurs FN... Résultat : une moyenne d'un peu plus de 8% des voix pour l'extrême droite au premier tour.