Sale temps pour le constructeur allemand Volkswagen : ses bidouillages devraient lui coûter cher en justice et compromettre sa réputation pour un bon moment – quoique. Après tout, le constructeur américain Ford s’est bien remis d’un scandale pas piqué des vers dans les années 1970 et 1980. Oh pardon : DEUX scandales.
RIP la Ford Pinto
Au début des années 1970, Ford se fait sérieusement secouer sur le milieu des voitures d’entrée de gamme par des constructeurs étrangers. La firme du Michigan répond en lançant un modèle destiné aux classes moyennes, la Ford Pinto. A grands renforts de publicités comparatives, la Pinto vante ses tarifs avantageux :
Le scandale
Le succès est au rendez-vous : la première année, Ford vend 328 275 exemplaires… Le hic ? La Pinto a un défaut majeur dont Ford connaît parfaitement l’existence : en cas de choc par l’arrière, le réservoir d’essence peut casser et le carburant se répandre dans l’habitacle, avec un sérieux risque de transformer les passagers en torches humaines.
Mieux : en 1977, l’enquête d’un journaliste révèlera que Ford connaissait ce défaut AVANT même de lancer la production de la Pinto… Le constructeur avait tout bonnement jugé que corriger le problème lui coûterait trop cher – 11 dollars par véhicule pour résoudre totalement le problème, pour un modèle négocié autour de 2 800 dollars à l’époque. Voire un seul malheureux petit dollar si la firme s’était contentée de renforcer la solidité du réservoir. C’est déjà pas mal ? C’est pire : un document interne de Ford évalue statistiquement le nombre de morts carbonisés que le défaut de la Pinto pourrait causer chaque année – et combien coûteraient les procès éventuels. Devinez quoi ? Moins cher que de corriger le problème. Affaire réglée – jusqu’à ce que le document soit publié dans la presse, déclenchant un joli scandale.
Les conséquences
En 1978, l’ampleur des protestations est telle que Ford finit par rappeler la bagatelle de 1,5 million de Pinto. On estime à 900 le nombre de personnes mortes dans les flammes en raison du défaut de conception de la Pinto. Les procès qui suivirent débouchèrent sur des amendes qui se chiffrèrent en centaines de millions de dollars. De quoi sérieusement compromettre la solidité financière de la société – pile jusqu’au scandale suivant.
Un léger problème de transmission
Le scandale
En 1980, une des innombrables agences fédérales américaines, la National Highway Traffic Safety Administration (NHTSA) publie les résultats d’une enquête de trois ans qui va passer une deuxième couche sur la réputation déjà bien écornée de Ford. Les enquêteurs ont découvert que TOUS les modèles dotés d’une transmission automatique sortis entre 1966 et 1980 ont un défaut. Et pas un petit défaut. Plutôt le genre de défaut qui fait passer sans prévenir le levier de P pour parking à R pour marche arrière. Autrement dit ? Autrement dit, c’est dommage pour la mémé qui traversait dans votre dos pile au moment où votre Ford se met à reculer au lieu de stopper.
Et là encore le 4e pouvoir américain va faire du dégât : les enquêtes des journalistes révèlent que Ford connaissait le problème depuis au moins huit ans. Mieux : la firme avait refusé la mise en place d’une solution qui aurait coûté … 0,03 dollar par voiture.
Conséquences
Certes, 0,03 dollar multiplié par des centaines de milliers de véhicules pendant dix ans, cela peut finir par faire une somme – mais moins que les 20 millions de dollars que le constructeur acceptera de verser aux victimes pour mettre fin aux poursuites. Une bonne affaire, le défaut de fabrication ayant causé au total 777 accidents, 259 blessures et 23 décès…
Vous me direz, indemniser les victimes, c’est bien, mais que deviennent les voitures défectueuses ? C’est le plus joli gag de l’histoire. La NHTSA était sur le point d’ordonner à Ford de rappeler 23 millions de véhicules quand les pouvoirs publics réalisèrent que le coût de l’opération coulerait purement et simplement le constructeur.
Conclusion ? Après négociation auprès de l’administration Reagan, Ford s’en tira avec… un autocollant, ou plus exactement 23 millions d’autocollants. Si, si : ces autocollants-là…
En gros, ils invitaient les conducteurs à faire attention à la position de leur levier de vitesse en se garant, et surtout à bien freiner avant de couper le moteur. Tellement efficace que le nombre de personnes tuées à cause du défaut de construction était passé de 23 à 77 en 1984…