12 Rafale, 9 Super-Étendard et 2 000 marins engagés : l’arrivée du porte-avion Charles-de-Gaulle au cœur du dispositif engagé dans la lutte contre l’État islamique marque une sérieuse montée en puissance de l’engagement français au sein de la coalition occidentale. Et est un prétexte de rêve pour évoquer l'ancêtre relativement foutraque du fleuron de la marine hexagonale.
Le premier (brouillon de) porte-avion français date du lendemain de 14-18. Le conflit avait permis aux armées de prendre conscience de l’importance de l’avion dans la guerre contemporaine. Le Japon, les États-Unis, l’Angleterre… cherchent rapidement à trouver le moyen de réunir les atouts de la marine et l’aviation. Les premières tentatives concrètes sont en réalité des porte-hydravions très éloignés des navires actuels.
Ils ne prévoient encore ni décollage, ni atterrissage. Une fois le navire arrivé dans la zone souhaitée, les hydravions rangés sur le pont sont mis à l'eau à l’aide d’une grue. Les pilotes décollent directement de la surface de la mer... La photo ci-dessous montre ainsi des hydravions anglais sur le pont du HMS Furious.
La France, pilote en matière aérienne[1], n’est pas en reste pour inventer des machins plus ou moins pittoresques, quitte à adapter des navires existants. C’est le cas du Bapaume, un bâtiment léger construit à Lorient, lancé en août 1918 et mis en service actif en 1920.
A l’origine conçu pour ressembler à un cargo et tromper ainsi les sous-marins allemands, le Bapaume est adapté au contexte de l’après-guerre. Il devient le premier porte-avion français le jour où on place sur son avant une plate-forme de décollage faite de... bois. Cette « piste », large de 8,70 mètres, est longue de 20 mètres à tout casser. Sachant qu’il en faut 18 pour parvenir à faire vaguement décoller les avions du Bapaume, la marge de manœuvre des pilotes d’essai se situe quelque part en la feuille de papier à cigarette et le poil de c… yak.
Cette espèce de Meccano donne au Bapaume un profil qu’on croirait directement sortie de l’esprit malade d’un Gaston Lagaffe :
En l’occurrence, Gaston Lagaffe est un officier de marine, le bien-nommé lieutenant de vaisseau Paul Teste. Ancien combattant, prisonnier de guerre évadé, ce pionnier de l'aéronavale assurera personnellement les premiers décollages en mer depuis le Bapaume, à partir de mars 1920. D’autres pilotes suivront aux commandes d’avions Hanriot HD 2, de Nieuport 21/23 et Nieuport-Delage NiD.32… Des monomoteurs qui ressemblaient à ceci – on est encore assez loin du Rafale[2].
Les pilotes français se formeront sur le Bapaume jusqu'en juin 1924, avant de rejoindre en 1927 le premier véritable porte-avion français, le Béarn, un ancien cuirassé transformé par l'ajout d'un pont d'envol. Toujours en bois...
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[1] Pas pu m’en empêcher.
[2] Et pourtant, 74 ans à peine séparent ce Hanriot HD2 (1917) du premier prototype de Rafale (1991).