Encore raté : pour la huitième fois, Mark David Chapman, le meurtrier de John Lennon, s'est vu refuser sa demande de remise en liberté par l’Etat de New-York. Condamné à perpétuité en 1981 avec une période de sûreté de 20 ans, Chapman est libérable depuis 14 ans mais est toujours considéré comme dangereux par les autorités. Retour sur les détails de l’assassinat le plus célèbre des années 80.
Lennon dédicace un disque
Le 8 décembre 1980 est une journée chargée pour le couple Lennon/Yoko. Le chanteur et sa compagne ont multiplié les activités variées : répétitions, enregistrements, interview, séance photos avec Annie Leibowitz – qui prendra l’un des clichés les plus célèbres de Lennon et de Yoko Ono, celle où John, nu et en position fœtale, enlace Yoko. Vers 17 heures, de retour d’un de ces déplacements, John Lennon signe quelques autographes aux fans qui l’attendent devant son domicile new-yorkais– le Dakota Building, où Polanski avait placé l’action de son film Rosemary’s Baby, en 1968.
Il dédicace notamment l’album Double Fantasy à un jeune homme timide âgé de 25 ans, venu tout droit d’Hawaï. « Vous n’avez besoin de rien d’autre ? » demande gentiment Lennon.
Non, le jeune homme ne veut rien d’autre. A part la peau de Lennon.
22h50, sous le porche du Dakota Building
A son retour, vers 22h50, le couple croise à nouveau le jeune homme timide, qui attend dans l’ombre du porche de son immeuble. Lequel, après avoir laissé passer Yoko, tire 5 fois sur Lennon, à bout portant, avec un .38 qu’il sort de sa poche. Touché à 4 reprises, Lennon monte quelques marches encore, articule « je me suis fait descendre » et s’effondre au pied de la loge de sécurité du concierge. Ce dernier, une fois passée la première panique, couvre le chanteur de son manteau et lui ôte ses lunettes – les fameuses petites lunettes rondes. Mais l’aorte est touchée, Lennon est mourant – les secours, arrivés rapidement, n’y pourront rien et la mort de l’ancien Beatles est officialisée par les médecins peu avant minuit. Il avait perdu 80 % de son sang à son arrivée au bloc.
Les journaux du monde entier annoncent la nouvelle au monde, provoquant une immense vague d’émotion et de sympathie, semblable à celle que provoquera la mort de Michael Jackson, trente ans plus tard.
Un meurtrier si calme
Chapman, lui, n’a pas cherché un instant à s’échapper. Après que le portier de l’immeuble lui a arraché son arme, le jeune homme a calmement enlevé son chapeau et son manteau et… s’est assis sur le trottoir, en attendant les policiers. A un homme qui lui demande s’il sait ce qu’il vient de faire, il répond calmement « Oui, je viens de tuer John Lennon. »
Lorsque deux officiers l’appréhendent, il porte à la main un livre célèbre – l’Attrape-cœur, de J.D. Salinger. Quelques années plus tard, c’est ce même roman qu’on trouvera dans la chambre de John Hinckley, l’homme qui tira sur Reagan quatre mois après l’assassinat de Lennon. Il n’en faudra pas plus pour que le roman se retrouve associé dans la culture populaire à tous les cinglés de service – très exagérément.
L’homme qui voulait devenir célèbre
Contre l’avis de ses avocats qui voulaient jouer la carte de la folie, Chapman plaide coupable à son procès, en juin 1981. Le procès permettra d’en savoir un peu plus sur la personnalité de ce paumé, socialement à la dérive et psychologiquement fragile – du genre à épouser une jeune femme de Hawaï au motif qu’elle présentait une vague ressemblance avec Yoko Ono, l’épouse de John. Obsédé par l’idée de faire quelque chose de son existence, fan obsessionnel, il s’était mis en tête que les chansons des Beatles recelaient quelques secrets propres à le guider vers un destin exceptionnel.
Manque de pot, sa situation ne s’améliora pas, au contraire. Et l’admiration se mua en haine pour son idole, vue comme un hypocrite qui avait trahi son message de paix de d’humanisme en menant une vie de millionnaire au lieu de distribuer ses biens aux pauvres. « Lennon nous dit d'imaginer un monde sans possessions, et le voilà avec des millions de dollars, des yachts, des propriétés et des investissements immobiliers, se moquant des gens comme moi qui crurent ses mensonges et achetèrent ses disques, en construisant une grande partie de nos vies autour de sa musique », déclarera Chapman en 2006.
Sauf que les motifs sont sûrement plus futiles qu’on ne sait trop quelle dénonciation de l’hypocrisie supposée de Lennon : au cours de son procès, Chapman avouera avoir soigneusement préparé son acte pour devenir célèbre, en associant une fois pour toutes son nom à celui de Lennon).
Ironie du sort : Chapman est incarcéré depuis dans la prison d'Attica – celle qui avait servi Lennon avait composé une chanson sur cette prison, Attica State, dans l’album Some Time in New York City…
Dans cette chanson consacrée à une révolte de prisonnier figurent les paroles suivantes :
Attica State, Attica State,
We're all mates with Attica State
Media blames it on the prisoners
But the prisoners did not kill[Attica State, Attica State,
Nous sommes tous copains avec Attica State
Les médias font porter le chapeau aux prisonniers
Mais les prisonniers n’ont pas tué]
Hélas si, John.