A en croire l’IFOP, l’impact de la pornographie sur les pratiques des Français(es) serait notable. Quand ce ne sont pas les hommes qui se désolent d’un sexe jugé trop petit en comparaison de celui des acteurs, ce sont les femmes qui calqueraient leur manière de s’épiler sur celle – le plus souvent radicale – des actrices. Si la question se pose, il reste qu’on aurait tort de penser que la chasse au poil est un phénomène récent. Retour arrière.
En Grèce, ça ne rigole pas avec le poil
A en croire Aristophane, dont on ne recommandera jamais assez les rafraichissantes paillardises qui reposent un peu du Banquet de Platon, l’épilation pubienne des femmes était de rigueur, au moins à Athènes. Ces dames auraient ainsi voulu se différencier le plus possible des hommes de la Cité, dont les bas-ventres restaient manifestement broussailleux. En dehors des pièces d’Aristophane, la statuaire et les vases en témoignent : là où les parties intimes des hommes sont souvent poilues, celles des femmes sont lisses – un tour dans n’importe quel musée d’art grec antique vous en convaincra rapidement. En témoigne aussi la profession d’épileuse, mentionnées dans un édit de Sparte au moment où elles se font flanquer hors des bains public. Et ce n’est pas moi qui le dit, c’est Philostrate.
Faute d’épilateurs, les femmes grecques avaient recours à différentes techniques pour se débarrasser de leurs toisons indésirables. Aux pinces, aux rasoirs et aux produits dépilatoires (la farine de fève trempée remplacerait magnifiquement la cire chaude, mais je le confesse, je n’ai pas essayé) s’ajoutait une troisième façon de procéder : la lampe à huile. Parfaitement : dans les Acharniens, Aristophane fait dire à une de ses héroïnes, à propose de sa lampe à huile : « Seule tu éclaires les secrets recoins de nos cuisses, flambant le poil qui y fleurit ». Une coupe antique décrite par l’archéologue C. Picard montre d’ailleurs une femme nue, les jambes écartées, qui utilise une lampe pour brûler les poils de son pubis.
Le Moyen Age : velu, mais pas trop
Légende noire oblige, on s’évertue à voir le Moyen Age comme un temps repoussant, plein de saleté : difficile d’associer l’époque à une épilation particulièrement soignée – et pourtant, on s’épile un peu partout, y compris là où je pense. En cause, le retour en grâce des bains publics, des thermes et des étuves au fil des siècles et le témoignage des Croisés revenus d’un Orient où l’épilation féminine était courante. Avec le temps paraissent des manuels de toilette et d’hygiène féminine qui proposent de faire le poil proprement. La pratique n’est pas universelle : courante en Italie, elle est plus rare dans le Nord de l’Europe. A l’idée d’une chose propre et malséante dont il faut se débarrasser s’oppose une vision teintée de pudeur : pour beaucoup, le poil est une façon de cacher les parties honteuses du corps – celles par lesquelles on commet certes des enfants, mais aussi des péchés.
Le témoignage éclairant d’un écrivain du 17e siècle
Courante ou non, la pratique existe encore toujours en 1616 lorsque Verville, un écrivain quelque peu aventurier et aventureux, publie un livre qui se situe quelque part entre le recueil de paillardises et un « La Séduction pour les Nuls d’aujourd’hui : Le Moyen de Parvenir. Entre autre anecdotes gratinées, l’une d’elle permet d’établir on ne peut plus scientifiquement qu’on s’épile bien en ce 17e naissant, et mieux : que ça coûte cher. L’anecdote raconte l’histoire d’une femme d’avocat parisien, de retour des étuves :
«Et advint que comme elle fut retournée et couchée avec son mari, ainsi qu’il la mignotait et prenait son jouet, il n’y trouvait du poil que d’un seul côté. « Ho, ma mie, comment ? On ne t’a pas bien servi. Ton cas est entre deux âges, il n’y a de la barbe que d’un côté’ ». « Mon ami, dit-elle, on ne m’a fait de la besogne que pour mon argent.’’ Cette remontrance fut occasion qu’elle eut le lendemain un demi-écu pour se faire rajeunir l’autre côté.»
Difficile d’ajouter quoi que ce soit à un si beau texte, mais pour conclure, disons qu'il semble qu'une des causes du reflux de l’épilation intime en Europe relèverait indirectement de la découverte du Nouveau Monde. Face à des indigènes presque imberbes, considérés comme de parfaits sauvages, les colons auraient voulu affirmer leur différence - et de leur point de vue leur supériorité - en laissant libre cours à une nature nettement plus velue.