L’association Noemi s’est donnée pour mission de changer le regard de la société sur les personnes atteintes de polyhandicap. Pour cela, elle a fait réaliser cette vidéo de sensibilisation :
Le film, très bien réalisé, tente de nous faire passer ce message : par rapport aux adultes, les enfants portent un autre regard sur la différence. Mais qu’en est-il vraiment ?
Dans le film, pourquoi les adultes s’arrêtent-ils d’imiter ?
Pourquoi les adultes s’arrêtent-ils d’imiter les gestes réalisés par une personne atteinte de handicap, tandis que les enfants continuent sans gêne ? La réponse à cette question peut être cherchée principalement dans les mécanismes d’apprentissage des règles sociales.
L’imitation, c’est quoi ?
L’imitation est un comportement fondamental pour les apprentissages. C’est en effet principalement grâce à nos compétences en imitation que nous apprenons. Mais dans certains cas, l’imitation peut également être un moyen d’obtenir de la gratification. Ainsi, par exemple, l’imitation caricaturale permet de faire rire nos interlocuteurs en se moquant des autres. Non seulement cette deuxième fonction de l’imitation est plus importante à l’âge adulte (les références sont plus nombreuses), mais surtout, l’enfant n’apprend pas tout de suite que la caricature de certaines personnes (comme les personnes atteintes de handicap) peut être jugée comme un tabou.
L’imitation de personnes porteuses de handicap peut être un tabou
La caricature d’une personne porteuse d’un handicap a bien souvent une forme proche de celle de la grimace. Or, dans cette vidéo, les comportements qui sont proposés comme modèle d’imitation sont des grimaces. En imitant une grimace réalisée par une personne porteuse de handicap, l’adulte peut donc avoir l’impression de la caricaturer.
La caricature des personnes porteuses de handicap est socialement peu admise. D’un point de vue des théories de l’apprentissage, on dit que ces comportements sont soumis à des contingences de « punition » sociale. Pour le dire autrement, lorsque les adultes imitent une personne atteinte de handicap, ce comportement d’imitation est souvent suivi d’une conséquence aversive socialement (« arrête, tu n’es pas drôle » ; voir de la tristesse chez la personne imitée ; ou bien se mettre à la place de personnes les plus vulnérables).
Par définition, tous les comportements non socialement admis ont une forte tendance à la diminution. Ceci expliquerait cette « gêne » observée chez les adultes dans le film. L’enfant, quant à lui, n’apprend pas tout de suite que se moquer des personnes avec handicap, surtout en leur présence, c’est « immoral ».
Les enfants sont-il vraiment plus « doués » que les adultes pour faire preuve d’intégration ?
Comme le suggère la vidéo, devrait-on vraiment « regarder la différence avec les yeux d’un enfant » ? Autrement dit, continuer les imitations serait-ce synonyme d’intégration ?
En n’ayant aucun tabou, l’enfant va juger ses pairs atteints de handicap de la même façon que n’importe quel autre pair, sans gêne. Mais ce n’est pas pour autant que l’enfant ne va pas voir les différences, bien au contraire ! Je l’observe régulièrement en accompagnant des enfants atteints de handicap en classes de primaire : les enfants typiques ont tendance à questionner ou interpeller les enfants différents, sans retenue. Cela a l’avantage de crever l’abcès, mais certains enfants en situation de handicap peuvent parfois mal vivre un jugement aussi direct. Par contre, si l’on s’y prend bien, il est facile de faire accepter aux enfants, plus qu’aux adultes, la différence chez leurs pairs avec handicap et en faire de très bons partenaires d’apprentissages.