Autisme et sélectivité alimentaire

Carlos Ciudad Trilla

"Mythe ou réalité : La sélectivité alimentaire de mon enfant est-elle due à ses particularités sensorielles ?". Ce titre est celui d'un des articles du dernier numéro de « Sur le spectre », le magazine du Groupe de recherche en neurosciences cognitives de l’autisme de Montréal. Il a été rédigé par Carolane Tremblay, ergothérapeute et Ghitza Thermidor, psychoéducatrice. Je ne résiste pas à vous le relayer ici dans son intégralité, la sélectivité alimentaire étant un sujet très souvent évoqué par les familles d'enfants autistes.

« Sur le spectre » présente des articles qui vulgarisent des résultats de recherche dans le domaine de l’autisme, mais aussi des articles plus généraux, portant sur des thèmes spécifiques (mythes entourant l’autisme, résumés de travaux publiés par d’autres groupes de recherche, témoignages, débats, etc.). Le magazine est publié deux fois par ans. Il est téléchargeable en ligne gratuitement en cliquant ici

Les parents qui nous consultent pour la sélectivité alimentaire de leur enfant pensent souvent que ses besoins sensoriels sont les seuls responsables de son faible répertoire alimentaire. Cette croyance est un mythe et voici pourquoi.

Qu’est-ce que la sélectivité alimentaire ?

Il n’existe actuellement pas de consensus dans la littérature sur la définition de la sélectivité alimentaire. Or, dans notre pratique, nous considérons un enfant sélectif s’il correspond à une ou plusieurs de ces caractéristiques : l’enfant (1) mange moins de 15 aliments différents, (2) refuse un ou plusieurs groupes alimentaires, (3) fait une crise lors de la présentation de nouveaux aliments et (4) demande à ce que certains aliments soient toujours présentés de la même façon et souvent à tous les repas1. Ces difficultés interfèrent significativement avec les routines au quotidien et entraînent des impacts chez l’enfant (ex. surpoids, perte de poids, anémie), ses parents (ex. augmentation du stress à l’heure du repas) ainsi que dans la relation parent-enfant.

Il faut retenir que dans le développement typique, il existe une sélectivité alimentaire transitoire entre 2 et 3 ans. Des études démontrent que les difficultés par rapport à l’alimentation toucheraient jusqu’à 25% des enfants présentant un développement typique et jusqu’à 89% des enfants autistes.

Les particularités sensorielles peuvent contribuer à la présence de difficultés d’alimentation chez votre enfant, mais la présence d’autres facteurs est à évaluer.

Lien entre les particularités sensorielles et la sélectivité alimentaire

Il existe plusieurs facteurs qui peuvent influencer l’acceptation ou le refus d’un aliment par votre enfant. Les particularités sensorielles font effectivement partie de ces facteurs. Par exemple, votre enfant peut démontrer une préférence ou une aversion pour un aliment relativement à sa texture, son odeur ou encore sa température. Les capacités de votre enfant à bien mastiquer et déplacer les aliments entre ses dents peuvent influencer la texture des aliments qu’il acceptera. Votre enfant peut aussi avoir développé des préférences en lien avec la présentation des aliments (formes, plats séparés, demande à avoir des ustensiles particuliers) et alors refuser de manger un plat qui ne correspond pas à ses critères. Par ailleurs, une condition médicale (ex. constipation, reflux gastro-œsophagien) peut parfois affecter la disponibilité de votre enfant à manger. Il existe ensuite des facteurs dits environnementaux, tels que le climat dans lequel se déroule le repas, les préférences alimentaires familiales ou l’absence de routines de repas. Il peut y avoir plusieurs raisons pour lesquelles votre enfant refuse un aliment, il importe donc de les analyser afin d’intervenir sur celles-ci.

La solution ? Exposer, exposer et réexposer

Il est effectivement recommandé de présenter fréquemment dans l’assiette de votre enfant de nouveaux aliments, même s’il les refuse une première, une deuxième ou une énième fois ! Il importe en revanche de s’assurer que la texture de l’aliment présenté est appropriée aux capacités orales motrices de votre enfant. Une évaluation plus approfondie pourra permettre d’adapter les recommandations en fonction du profil de votre enfant.

Boîte à outils complémentaire

  • Il faut exposer votre enfant plusieurs fois, de la même façon, à un aliment (au moins 20 fois) avant de dire qu’il ne l’aime pas. Votre enfant passera à travers différentes étapes avant d’accepter de le manger. Par exemple : votre enfant accepte maintenant de toucher à l’aliment ; votre enfant vous imite et porte sur sa bouche un aliment afin de lui faire un bisou, etc.
  • Un horaire de repas et de collations est aussi important. En effet, si votre enfant grignote avant le repas, il ne ressentira pas la faim à ce moment.
  • Lorsque vous présentez un aliment nouveau ou moins aimé à votre enfant, il est important de le présenter avec un aliment aimé.

Si vous avez des inquiétudes au sujet de l’alimentation de votre enfant, n’hésitez pas à en parler à votre médecin ou à un professionnel de la santé.

1  Ernsperger, L., et Stegen-Hanson, T., (2004). Just take a bite : easy, effective answers to food aversions and eating challenges ! Arlington : Future horizons.

2  Marshall, J., Ware, R., Ziviani, J., et al. (2014). Efficacy of interventions to improve feeding difficulties in children with autism spectrum disorders : a systematic review and meta-analysis. Child : care, health and developpement. 41 (2), 278-302.

Références principales :

Cermak, S. A., Curtin, C., et Bandini, L. G. (2010). Food selectivity and sensory sensi- tivity in children with autism spectrum disorders. J am diet assoc, 110 (2), 238-246. Gagnier, N. et Gehami, M. (2015). J’aime pas çà ! J’en veux encore ! : astuces et solu- tions pour des comportements alimentaires sains. Montréal : Les Éditions la Presse.

Taylor, C., et al. (2015). Picky/ fussy eating in children: Review of definitions, assessment, prevalence and dietry intakes. Appetite, 95, 349-359.