« Her » : pourrions-nous vraiment tomber amoureux d’un logiciel informatique ?

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Je suis allé au cinéma voir « Her », le dernier film de Spike Jonze. Voici l’histoire : dans un futur proche, un logiciel informatique révolutionnaire permet d’entretenir des conversations avec une voix virtuelle intelligente, dotée d’une conscience et capable de s’adapter aux humains. Lorsque le héros du film, interprété par Joaquin Phoenix, fait l’acquisition de ce logiciel, lui et sa nouvelle compagne virtuelle (Scarlett Johansson) vont très rapidement tomber amoureux l’un de l’autre…

Ce film soulève une question intéressante à propos de nos comportements amoureux : pourrait-on vraiment avoir des sentiments pour une voix virtuelle ?

Être « accro » à une voix est loin d’être un phénomène nouveau et les exemples ne manquent pas, notamment à travers certaines hotline téléphonique ou les relations longues distances. Plusieurs films ont déjà traité le sujet dont le plus emblématique est peut-être « Nuits blanches à Seattle », avec Meg Ryan et Tom Hanks. Meetic prouve également que l’on peut même devenir accro à des échanges épistolaires (voir le film « Vous avez un message »).

Bref, dans les fictions, mais aussi dans la vraie vie, une voix ou des courriers peuvent tout à fait nous rendre passionnés.

Nous tombons amoureux d’une voix pour plusieurs raisons : son timbre par exemple, ou encore son identité de genre (homme ou femme). Mais ce qui nous rend probablement le plus « dépendant » à une voix, c’est la façon dont elle nous « renvoie la balle ». Au cours d’une conversation, si nous obtenons des réponses proches de nos idéaux, alors la voix prendra une valeur hautement satisfaisante. Après l’argent, la valorisation sociale est en effet certainement ce après quoi nous courrons le plus. Être approuvé dans nos gouts et nos idées, devient donc un critère déterminant pour le choix de nos « relations vocales ».

C’est donc l’attention sociale qui est en grande partie responsable de notre élan vers une voix. Mais dans le film « Her », la différence est qu’il n’y a pas d’être humain « réel » qui se cache derrière la voix de Scarlett Johansson. Alors peut-on quand même tomber amoureux d’une voix qui fait l’économie d’un être humain bien vivant ?

Le problème n’est pas de savoir si nous avons à faire à un être vivant ou pas, mais si l’ « entité » sociale virtuelle peut-être dotée d’une personnalité, d’émotions, d’un sens de l’humour qui lui permettent de converser avec nous. Il est typique des humains de pouvoir s’attacher à des symboles. Si ces symboles nous imitent à la perfection, il deviendrait donc possible d’éprouver pour eux des sentiments proches de ceux que l’on ressent pour nos semblables. D’ailleurs, les progrès dans les domaines de la robotique et de l’intelligence artificielle sont extrêmement rapides. Pour certains spécialistes, d’ici une cinquantaine d’années, l’intelligence artificielle pourrait même surpasser l’intelligence humaine et permettre aux robots d’être pourvu d’une conscience (cf. David Levy, « Love + sex with robots »).

Reste à savoir si, inversement, un logiciel informatique sera capable de tomber amoureux d’un être humain (comme cela arrive à Scarlett Johansson dans le film). Seule l’évolution technologique pourra nous le dire. Mais il y a de grandes chances pour que, d’ici 2050, nous voyons émerger des bouleversements dans nos relations interpersonnelles.