Les discussions entre partenaires sociaux ont commencé, pour définir les règles de l'indemnisation du chômage pour les trois années à venir. Le contexte n'est guère favorable: chômage élevé et depuis longtemps, régime endetté et déficitaire, positions inconciliables entre syndicats de salariés qui ne veulent pas diminuer l'indemnisation, employeurs qui ne veulent pas augmenter les cotisations, Etat qui a prévu de réduire le déficit de 300 millions cette année tout en refusant la moindre réflexion sur le régime des intermittents du spectacle, annoncent des négociations qui n'iront pas très loin.
Il paraît que le chômage est le sujet considéré comme prioritaire par les français; il est extrêmement élevé en France (et dans la zone euro en général). Le régime d'indemnisation du chômage devrait donc susciter le plus vif intérêt.
Le bon système d'assurance-chômage : la règle des "3 i"
Pour les économistes, un bon système d'assurance-chômage a pour objectif de conduire les chômeurs vers un emploi dans lequel leurs compétences seront bien utilisées. La recherche d'emploi est un processus long (les employeurs qui cherchent l'employé adapté au poste qu'ils proposent, les personnes qui cherchent l'emploi qui leur conviendra), et une activité utile à la société; l'économie devient plus productive lorsque les travailleurs sont à l'endroit où leurs compétences sont bien utilisées. A ce titre, l'assurance chômage a trois rôles à jouer : indemniser, inciter, et informer.
- Indemniser : L'indemnisation du chômage doit être suffisamment généreuse, afin que le chômeur ne soit pas, sous la contrainte financière, amené soit à prendre le premier emploi venu pour subvenir à ses besoins et ceux de sa famille, soit à quitter définitivement la recherche d'emploi. Il vaut mieux qu’un bac+5 passe 6 mois au chômage indemnisé, le temps de trouver un emploi dans lequel il pourra donner la pleine mesure de ses capacités, plutôt qu’une organisation sociale dans laquelle il est obligé très rapidement d’aller emballer des hamburgers pour subvenir à ses besoins
- Inciter : dans le même temps, l'assurance-chômage doit inciter les personnes à chercher activement un emploi. Le risque est de voir les gens trop attendre pour faire une vraie recherche (qui prend du temps et de l'énergie) et de voir leurs compétences se déprécier au cours du temps, ce qui réduira leur capacité à finalement trouver un emploi.
- Informer : enfin, l'assurance-chômage doit informer les personnes sur les emplois disponibles de la manière la plus efficace. Trouver un emploi en adéquation avec ses compétences est difficile, surtout alors que les compétences deviennent de plus en plus diversifiées.
Ces trois conditions doivent être respectées simultanément. Un système qui n'en vérifie que deux ne fonctionnera pas bien. Indemniser et inciter ne sert à rien si les chômeurs n'ont qu'une information médiocre sur les postes disponibles; inciter et informer sans indemnisation correcte risque de pousser les gens vers le premier emploi venu; indemniser et informer sans inciter conduit les gens à rester trop longtemps au chômage. Bien évidemment, c'est plus facile à dire qu'à faire. Surtout que ces conditions peuvent entrer en contradiction; ainsi, une indemnisation trop importante désincite à la recherche d'emploi, rallongeant celle-ci sans avantage pour le chômeur en terme de revenu futur dans l'emploi.
L'importance du contexte
Mais surtout, le contexte macroéconomique est déterminant. Lorsque la conjoncture est favorable, une indemnisation trop importante, et pas assez d'incitations à la reprise d'activité, risque d'empêcher les chômeurs de bénéficier du contexte pour vite retrouver un emploi; à l'inverse, si la conjoncture est défavorable, le meilleur système d'assurance-chômage ne changera rien au fait qu'il n'y a de toute façon, pas d'emploi disponible, parce que les entreprises n'embauchent pas faute de demande. Il est alors préférable de prolonger l'indemnisation du chômage en attendant que la situation s'améliore; cela a en plus un rôle de stabilisateur, les indemnités de chômage étant un moyen rapide et assez efficace de stimuler la demande globale. Il faudrait donc insister sur le volet incitation en conjoncture favorable, et sur le volet indemnisation en période défavorable.
Hélas, la contrainte budgétaire pousse les incitations politiques dans le sens inverse. Lorsque la conjoncture est bonne, le régime d'assurance-chômage est excédentaire, ce qui permet d'indemniser généreusement, et aux politiques de dire qu'ils font quelque chose pour les chômeurs; à l'inverse, le régime devient déficitaire en période difficile, poussant à réduire l'indemnisation pour réduire les déficits au nom de la "rigueur budgétaire".
Et réduire l'indemnisation du chômage en période de difficultés économiques peut avoir des effets catastrophiques. Aux USA, l'état de Caroline du Nord a ainsi réduit l'indemnisation du chômage en 2010; résultat, des dizaines de milliers de personnes sont tout simplement sorties du marché du travail, ont renoncé à la recherche d'emploi.
L'assurance-chômage est donc un enjeu majeur pour un gouvernement qui déclare avoir fait du chômage sa première priorité. Il ne semble pas, pourtant, que cet enjeu ait la représentation qu'il mérite.