Sous le titre : « Israël-Palestine : l’option des deux États a vécu », le Monde a publié, le 19 avril, un état des lieux très exact de ce conflit. L’auteur, Gilles Paris, constate que le dossier israélo-palestinien est désormais rangé « dans un angle mort diplomatique », que la colonisation israélienne de la Cisjordanie a produit un enchevêtrement rendant progressivement impossible une division territoriale. Et conclut : « Le renoncement à la formule des deux États a beau rester un tabou international, c’est pourtant une autre réalité qui se structure et qui s’enracine, promesse d’aggiornamento douloureux ».
Une telle réévaluation douloureuse a très certainement déjà été réalisée par l’administration Obama. Durant son précédent mandat, le président des États Unis a tenté à plusieurs reprises de réanimer le processus de paix sans le moindre succès. Le laissant dans l’impasse avec le refus de Benjamin Netanyahu de geler totalement la colonisation et accepter la ligne de cessez le feu de 1967 comme base de la négociation. Conditions sine qua non pour Mahmoud Abbas avant toute relance des pourparlers. Depuis, tout indique que les positions des parties ne bougeront pas d’un iota. Et puis, il y a la réalité sur le terrain. Dani Dayan, l’ancien président du conseil des implantations répète à qui veut l’entendre qu’il y a 350000 israéliens vivant dans les colonies de Cisjordanie. Avec un rythme de croissance annuel de 5%, ils seront 400 000 en 2014. En incluant Jérusalem Est dans ces statistiques, cela veut dire qu’un israélien juif sur dix vit dans les territoires occupés lors de la guerre de Six jours. 160 000 vivent aujourd’hui à l’extérieur des blocs d’implantations situés près de la ligne de 67 et discutés lors des négociations précédentes. En d’autres termes, dans le cas improbable d’un accord, quelles que soient les formules d’évacuation, des dizaines de milliers de colons, les plus militants, se retrouveront en territoire palestinien avec la ferme intention de ne jamais quitter ce qui est pour eux, la Terre d’Israël.
Pour « déménager » les 8000 colons de Gaza, il avait fallu 13000 militaires et policiers. Un nombre qu’il faudrait multiplier au moins par sept ou huit afin de mener une opération similaire en Cisjordanie. Or, actuellement, près de 40% des officiers d’infanterie viennent du milieu sioniste religieux et un pourcentage non négligeable d’entre eux refusera certainement de participer d’affronter les quelques dizaines de milliers de colons qui refuseraient de partir.
Mais, ce n’est pas tout. Reste le problème de Jérusalem Est, et surtout du mont du Temple. Selon la sociologue, Tamar Herman, l’immense majorité du public israélien n’acceptera certainement pas une souveraineté musulmane palestinienne sur l’ensemble de ce qui est le troisième lieu saint de l’Islam. Tout au plus, une partie des Juifs israéliens séculiers pourraient accepter un partage du mont. Les sionistes religieux et aussi certains ultra-orthodoxes s’opposent à toute concession sur ce lieu saint juif et, au contraire, réclament le droit d’y prier. C’est la victoire du fondamentalisme messianique telle que je la décris dans mon livre " Au nom du Temple. Israël et l’irrésistible ascension du messianisme juif. 1967-2013."
La perspective d’une solution à deux états, une Palestine indépendante, avec Jérusalem Est pour capitale, aux côtés d’Israël, paraît effectivement impossible. C’est le secret de polichinelle que le gouvernement israélien, l’administration Obama et l’ensemble de la communauté internationale, et même la Ligue arabe, veillent à ne pas admettre publiquement. Cela aurait des conséquences catastrophiques pour la région. La remise en question des traités de paix entre Israël, la Jordanie et l’Égypte. Reste à savoir combien de temps il sera possible de cacher la réalité.