A priori tous les éléments d’un nouveau soulèvement palestinien sont réunis en Cisjordanie et à Jérusalem Est. Une crise économique et financière catastrophique. L’Autorité autonome de Mahmoud Abbas peine, de mois en mois, à couvrir les salaires de ses employés, fonctionnaires, enseignants, médecins, personnel hospitalier et forces de sécurité. Actuellement seule la moitié du salaire de janvier leur a été payée. La raison en est l’arrêt des transferts effectués par les donateurs traditionnels. D’abord, les États Unis, où le Congrès retient cinq cent millions de dollars que l’administration Obama s’était engagée à verser au gouvernement palestinien. Cette somme représente une partie de l’aide promise en 2010, 2011 et la totalité de 2012. Les états arabes ne font pas mieux. La Ligue arabe s’était engagée à soutenir l’Autorité en lui remettant cent millions de dollars par mois. Abbas attend toujours.
Dans ces conditions, la grogne est générale en Cisjordanie. Les foyers accumulent les dettes, alors que les banques ont prêté l’équivalent de leurs fonds propres. La crise touche l’ensemble de l’administration palestinienne. Les fournisseurs, impayés, ne livrent plus que le strict minimum aux hôpitaux palestiniens, aux universités, aux établissements d’enseignement. Les policiers palestiniens qui, déjà, gagnaient l’équivalent de 4 à 500 euros par mois, n’ont plus qu’un salaire tronqué et se retrouvent en première ligne pour faire face à des manifestants en colère. Craignant un effondrement du système sécuritaire palestinien, indispensable au maintien du calme dans la région, Benjamin Netanyahu a ordonné le déblocage de cent millions de dollars et leur transfert à l’Autorité. Il s’agit des sommes provenant de la collecte des taxes douanières et de la TVA pour le compte des palestiniens et qu’Israël retenait en représailles à la dernière initiative d’Abbas à l’ONU.
Ce n’est pas tout. Lors d’une récente réunion ministérielle à Jérusalem, les généraux israéliens responsables de la Cisjordanie ont rappelé à l’échelon politique les facteurs conduisant à une détérioration de la situation. Non seulement les problèmes financiers de Mahmoud Abbas, mais aussi l’absence d’un processus de négociation et les attaques régulières lancées par des colons extrémistes contre des palestiniens. Il faut, ont ils dit, que la police et le Shabak (la sécurité intérieure) fasse plus pour éradiquer ce phénomène. A cela vient se greffer le développement accéléré de la colonisation, autre source de la colère palestinienne.
Les militaires et plusieurs experts considèrent que, dans ces conditions, une étincelle pourrait mettre le feu aux poudres et produire un embrasement en Cisjordanie. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Les réactions à la mort d’Arafat Jaradat décédé en prison peu de temps après son arrestation ont été relativement limitées. Cela, en dépit des accusations lancées par l’Autorité autonome, selon lesquelles il serait mort des suites de tortures subies durant son interrogatoire, ce que dément le gouvernement israélien.
Il faut rappeler que les précédents soulèvements palestiniens ont eu lieu à la suite d’événements imprévisibles. Un gravissime accident de voiture à Gaza a déclenché la première Intifada, en décembre 1987. En septembre 2000, vingt quatre heures après la visite d’Ariel Sharon sur l’esplanade des mosquées dans la Vieille ville de Jérusalem, l’ouverture du feu par la police israélienne dans ce troisième lieu saint de l’Islam, la mort de quatre fidèles musulmans, les blessures de dizaines d’autres, sont à l’origine de la seconde Intifada. Jusqu’à présent, les appels des diverses organisations, qu’il s’agisse du Fatah, du Hamas, et du Jihad, n’ont pas poussé l’ensemble de la population palestinienne à descendre dans la rue pour la troisième Intifada. Bien entendu, comme cela fut le cas dans le passé, tout pourrait basculer très vite. Le tout est de savoir quelle sera la nature de l’étincelle que redoutent les responsables israéliens.