Pour mémoire, France Télévisions et Charles Enderlin avaient porté plainte en 2004 pour diffamation à l'encontre de Philippe Karsenty pour un communiqué de presse et un article sur le site de l'agence "médias ratings" intitulé : " Arlette Chabot et Charles Enderlin doivent être démis de leurs fonctions". Au sein de ces écrits, Philippe Karsenty accusait Charles Enderlin et France Télévisions d'avoir diffusé une "Fausse mort", "un faux reportage", des "scènes jouées" de s'être livrés à une "supercherie", une "imposture", une" mascarade" … le 30 septembre 2000, lors de la diffusion de la mort du petit Mohamed Al Durah.
Le Tribunal de Grande Instance de Paris avait en 2006 condamné Philippe Karsenty pour diffamation. Ce dernier avait interjeté appel, et la cour d'appel avait ordonné à France 2 la communication des rushs du reportage puis avait relaxé Philippe Karsenty au bénéfice de la bonne foi en 2008.
La Cour de Cassation a, en février 2012, cassé les deux arrêts de la Cour d'Appel au motif qu'il appartenait au prévenu d'apporter la preuve de sa bonne foi et qu'il n'appartenait donc pas à la Cour d'Appel d'ordonner la communication des rushs. L'affaire était donc rejugée hier par la Cour d'appel de Paris.
Philippe Karsenty, maquette et montage powerpoint à l'appui a essayé d'expliquer à la Cour pourquoi il pensait qu'il n'était pas possible que l'enfant soit mort devant la caméra, pourquoi les tirs ne pouvaient venir de la position Israëlienne et pourquoi il pensait donc qu'il s'agissait d'un "faux reportage".
Charles Enderlin a ensuite pu s'exprimer. Il a rappelé son expérience journalistique dans la région et la confiance qu'il avait dans son caméraman Talal ABU RAMAH.
Trois témoins cités par Philippe Karsenty sont ensuite intervenus.
Esther Shapira, journaliste allemande qui avait réalisé en 2002 un documentaire intitulé "Qui a tué Mohamed Al Dura?" pour la chaîne Allemande ARD, Patrick Bloch, un expert médical qui a indiqué que des plaies par "arme de guerre" auraient dû causer des dégâts plus importants sur les corps qu'il y aurait donc dû y avoir plus de traces de sang.
Enfin, un expert balistique a indiqué qu'il n'était pas possible que les tirs viennent de la position Israélienne.
L'avocate de France Télévisions, Maître Bénédicte Amblard a ensuite plaidé en indiquant que si Philippe Karsenty avait la liberté de s'interroger, il aurait dû prendre des précautions de langage et d'enquête. Ce qu'il n'a pas fait en 2004. Qu'il venait aujourd'hui essayer de "donner à la calomnie le masque de l'information" mais qu'il ne fallait pas se laisser berner. Ce dont il était question, c'étaient des accusations graves à savoir un "faux reportage" et une "fausse mort". Elle a également demandé une publication judiciaire en cas de condamnation de Monsieur Karsenty en raison des retentissements personnels qu'a eus cette affaire pour Charles Enderlin.
· L'avocat général a souligné que Philippe Karsenty demandait à la Cour d'établir une réalité historique mais que ce n'était pas la saisine de la Cour. En effet, le débat porte uniquement sur la question de savoir si Philippe Karsenty pouvait ou non porter des accusations très graves contre Charles Enderlin au point de demander sa démission.
L'avocat général a retenu que le caractère diffamatoire des propos n'était plus contesté par Philippe Karsenty qui avait en outre abandonné l'argument concernant la preuve de la vérité des faits avancés. Philippe Karsenty devait donc prouver sa bonne foi au moment où les propos ont été tenus. Pour cela, l'avocat général fait état des experts et des "pseudo-expertises" produites, en indiquant que ces éléments sont nécessairement partiels car consistant en un travail a posteriori, à partir d'images et donc difficiles à apprécier.
La vraie question pour l'avocat général est la question de savoir si Philippe Karsenty a fait preuve de prudence dans les propos tenus. Il s'en remet sur ce point à l'appréciation de la Cour.
· Le premier avocat de Philippe Karsenty, Delphine Melliet, a surtout insisté sur la légitimité des propos tenus par son client, sur l'importance du débat lancé compte tenu de l'impact des images de Mohamed Al Dura dans le monde entier. Elle considère donc que "l'immodération" des propos était justifiée par l'intérêt général.
· Son deuxième avocat, Patrick Maisonneuve a quant à lui insisté sur les éléments en la possession de Philippe Karsenty au jour où il a publié les articles en cause.
La Cour rendra son délibéré le 3 avril prochain.