Barack Obama recevra Benjamin Netanyahu à la Maison Blanche, ce lundi, 5 mars. La plupart des médias israéliens qualifient cette rencontre comme « très importante ». Certains commentateurs parlent même d’instant historique, comme si l’avenir de la paix au Proche-Orient va en dépendre. Peut être, on verra dans les mois à venir si c’est le cas.
En tout cas, le Premier ministre israélien a mis la barre très haut. Il demande à la communauté internationale et en particulier à l’administration américaine de poser trois conditions aux Iraniens AVANT même d’entamer toute négociation avec Téhéran.
1 : Le démantèlement de l’usine d’enrichissement d’uranium, installée sous une montagne à Fordow, près de Qom, la ville sainte
2 : L’arrêt toute opération d’enrichissement d’uranium dans les autres centres nucléaires iraniens.
3 : Le transfert hors d’Iran de l’uranium existant, enrichi à plus de 3,5%. Actuellement les Iraniens enrichissent à taux de 20%. C'est-à-dire qu’à partir de là, ils pourraient, en quelques mois, obtenir de l’uranium « militaire » enrichi à plus de 90%.
Benjamin Netanyahu veut donc obtenir d’Obama la promesse ferme d’un engagement militaire américain contre l’Iran si les Ayatollah continuent leurs opérations d’enrichissement. Là, il faut rappeler que, selon les agences de renseignement américaines, les dirigeants iraniens n’ont pas décidé de passer au stade de fabrication de l’arme nucléaire. En fait, ils se donneraient la possibilité de s’engager dans cette voie, ultérieurement. C’est cette capacité que les dirigeants israéliens veulent empêcher à tout prix.
Shimon Pérès a donné le ton, hier devant les délégués d’AIPAC, le lobby pro-israélien, réunis à Washington : « L'Iran est un régime diabolique, cruel, moralement corrompu. […]. La paix est toujours l'option que nous privilégions, mais si nous sommes obligés de combattre, croyez-moi : nous vaincrons ! […] Le régime iranien est basé sur la destruction, c'est un affront à la dignité humaine. L'Iran est le centre, le mécène et le financier de la terreur dans le monde. L'Iran est un danger pour le monde entier, son ambition est de contrôler le Proche-Orient, il pourra ainsi contrôler le plus grande partie de l'économie mondiale. Il doit être stoppé et il sera stoppé »
Prenant la parole, Barack Obama lui a répondu : « On parle trop de guerre. Au cours des dernières semaines, de telles discussions n'ont servi que le régime iranien, en faisant grimper le prix du pétrole, dont il dépend pour financer son programme nucléaire. […] Je crois fermement qu'il y a encore la place pour la diplomatie, accompagnée d'une certaine pression, pour résoudre cette crise. […] Mais, comme je l'ai déjà dit très clairement au cours de mon mandat, je n'hésiterai pas à utiliser la force pour protéger les Etats-Unis et leurs intérêts » Le président américain a répété qu’il fera « tout ce qui est nécessaire pour préserver l'avantage militaire israélien, parce qu'Israël doit toujours avoir la possibilité de se défendre seul contre toute menace ».
Au Canada où il était en visite officielle, Benjamin Netanyahou s’est félicité de ces prises de position. Va-t-il exiger, lors de son entretien à la Maison Blanche, un plan d’action précis contre l’Iran ? Jusqu’à présent, le Premier ministre israélien et Ehud Barak, le ministre de la Défense, ont toujours refusé de s’engager à avertir l’administration américaine de l’imminence d’une offensive israélienne en Iran.
Une telle initiative militaire parait exclue dans un avenir proche. D’abord parce qu’Obama veut laisser les sanctions internationales faire leur effet sur les dirigeants iraniens. Et puis, une nouvelle guerre au Moyen Orient serait malvenue en pleine campagne électorale aux Etats-Unis. Il demande donc à Netanyahu d’attendre… Dans l’état actuel des choses, les dirigeants israéliens n’ont pas d’autre choix vu l’impréparation de l’arrière israélien. 40% de la population d ‘Israël ne dispose pas de Kits de protection et l’usine qui produit les masques à gaz doit fermer ses portes au cours des prochaines semaines, faute de financement.
En attendant, le débat sur l’opportunité d’une guerre avec l’Iran vient d’être relancé. Vendredi dernier, trois jours avant la rencontre de Washington, le grand quotidien Yediot Aharonot a publié, sur huit pages, une interview d’Ouzi Arad peu favorable à Benjamin Netanyahu, dont il fut pendant quinze ans le principal - et fidèle- conseiller. Cet ancien analyste du Mossad devenu professeur de diplomatie et stratégie au centre universitaire de Herzliyya a été prié de quitter son poste de directeur du Conseil national de sécurité, en février 2011, après avoir été accusé d’être à l’origine d’une fuite. Il affirme avoir été victime d’une conspiration fomentée par certains hauts fonctionnaires de la présidence du conseil. Selon, Yediot Aharonot, les avocats d’Arad affirment que cette affaire de fuites n’a été qu’un prétexte pour le limoger. Le Premier ministre lui aurait retiré sa confiance pour une autre raison : l’affaire du nucléaire iranien. Arad aurait présenté diverses options à Netanyahu ainsi que les conséquences éventuelles d’une frappe sur les installations iraniennes, définissant les dégâts qu’Israël pourrait subir. Le chef du gouvernement n’aurait pas apprécié que ces analyses circulent sous forme de rapports écrits. Toujours d’après les avocats d’Arad, Netanyahu ne voulait pas que de tels documents puissent servir à une éventuelle commission d’enquête si elle devait voir le jour.
Visiblement, en s’exprimant ainsi, juste avant une rencontre cruciale à Washington, Arad a brulé tous les ponts avec son ancien patron et la présidence du conseil et, Yediot Aharonot a voulu poser la question du mode de prise de décision au sommet de l’état d’Israël avant, peut être une nouvelle guerre dans la région.