Je prends en otage

De retour à Jérusalem, on me signale l’énervement de la presse communautaire locale. D’abord dans l’édition internationale en français d’Hamodia. Un hebdomadaire important issu des milieux très religieux. Page 11, sous une photographie de David Pujadas, le présentateur du 20 heures de France 2, un titre accuse : le silence éloquent des médias français. France2, TF1,RTL, Europe 1, le Figaro sont accusés de manquement professionnel grave pour n’avoir pas évoqué la tuerie d’Itamar. Cela, laisse entendre l’auteur de l’article, par attitude anti-israélienne.. Là, je dois annoncer, à titre personnel que, correspondant permanent dans cette région, je voudrai diffuser des sujets sur TOUS les événements importants, tous les drames. Bien entendu l’horreur du crime d’Itamar, le drame des adolescents palestiniens tués la semaine dernière dans une frappe israélienne à Gaza (bavure pour laquelle Benjamin Netanyahu avait présenté ses excuses), les roquettes qui tombent régulièrement sur le sud d’Israël. Mais, les rédactions ne fonctionnent pas ainsi.. Il y a une hiérarchie dans l’information. Un patron de journal télévisé doit gérer un temps d’antenne limité et, selon l’importance de l’actualité décide quoi diffuser : un reportage ou une brève en fonction de critères bien établis, voir ignorer tel ou tel événement. Entre les milliers de morts japonais, les conséquences du tremblement de terre et du Tsunami pour la troisième économie mondiale il n’y avait pas place pour ce qui était arrivé à Itamar. Le lendemain, sur France 2, une nouvelle brève a été diffusée pour évoquer cette fois les conséquences des meurtres que sa formulation ne plaise pas à certains est une autre affaire. Là encore la quasi-totalité du temps d’antenne était prise par le Japon et la Libye.

Je suis directement mis en cause dans Hamodia. Sur ce blog, dans mon précédent papier j’ai écris : « On ne sait rien des assassins. Les meurtres ne sont pas revendiqués. […] Tout le monde est persuadé qu’il s’agit d’un attentat… » Le moins que l’on puisse dire c’est la description fidèle de la réalité. A l’heure où ses lignes sont écrites on ne sait toujours pas quels sont les auteurs des meurtres d’Itamar. Le crime a-t-il été commis dans le cadre d’une vengeance ? Commandité par une cellule terroriste ? En fait pour une certaine presse communautaire, quasiment tout acte de violence, tout assassinat d’un israélien par un palestinien est qualifié de terroriste. Mais, un journaliste professionnel se fonde sur la définition du dictionnaire. Dans le Petit Robert : « Terrorisme : Emploi systématique de la violence pour atteindre une but politique. Ensemble des actes de violence, des attentats, des prises d’otages civils qu’une organisation politique commet pour impressionner un pays (le sien ou un autre) ». En attendant l’arrestation du ou des coupables on ne peut donc pas qualifier la tuerie d’Itamar d’acte terroriste.

Le Jérusalem Post en français va plus loin dans l’exégèse de mon propos. Cet hebdomadaire qui n’est pas, contrairement à son nom l’indique, la traduction intégrale de la très professionnelle édition anglaise, m’adresse une lettre ouverte signée par Nathalie Blau. Elle m’accuse de « chercher un mobile aux agissements des palestiniens » et m’interpelle : « Il serait intéressant de savoir ce qu’il avait pu trouver pour expliquer le lynchage de deux soldats israéliens à Ramallah en octobre 2000 ou l’attentat sanglant dans une école de Maalot en mai 1974… » Si madame Blau avait pris la peine de regarder dans mon livre : « Paix ou guerres » elle aurait trouvé l’histoire de cet attentat terroriste de Maalot. Quand au lynchage des deux soldats à Ramallah, elle sait parfaitement ce que France 2 a diffusé ce jour là.

Plus drôle, je suis accusé de ne pas donner d’interview au Jérusalem Post « persuadé d’être condamné avant d’être jugé » Au vu de cette lettre ouverte c’est le moins qu’on puisse dire. Mais surtout, je découvre avec stupéfaction que  j’ai "pris en otage une antenne de la diplomatie française pour présenter mon dernier ouvrage sur invitations triées sur le volet : seuls étaient conviés les médias français, la presse juive locale, elle s’était vu réserver une fin de non recevoir. Le Centre culturel Romain Gary avait accepté de se plier aux consignes discriminatoires du maître de l’info moyen-orientale. Avant de regretter « Une erreur » a reconnu récemment le directeur du centre, Olivier Debray ». L’auteure de cette lettre ouverte devrait vérifier l’exactitude de la citation qu’elle publie d’Olivier Debray. Autant que sache elle est inexacte Donc.. Les faits. En novembre 2009, le Centre Romain Gary m’a demandé de présenter mon livre « Le grand aveuglement. Israël et l’irrésistible ascension de l’Islam radical ». J’ai accepté mais en posant une condition – c’est mon droit - : que la conférence se fasse sur invitation en raison des articles haineux publiés à mon égard dans la presse communautaire. C’est la seule fois où j’ai les pieds dans le centre Romain Gary. Drôle de prise d’otage ! Et cela, dit Madame Blau « pour entretenir ainsi le fossé qui le sépare des siens pour peaufiner le ticket d’entrée dans les hautes sphères de cercles bien-pensants de la haute société française » !! Sans commentaires !