Le Grand Aveuglement. L'avant-propos

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La scène n’est pas tirée d’un film de politique-fiction. Le général gouverneur militaire aura bien participé à l’inauguration de l’immeuble des Frères musulmans à Gaza, aux côtés du cheikh Ahmed Yassine. Ces images ont été tournées en septembre 1973. À l’époque, Yassine n’était pas le chef du Hamas mais le protégé des Israéliens. Un seul officier, en charge des affaires religieuses, avait refusé d’aller assister à cette petite cérémonie: lui seul avait pris la peine d’aller vérifier ce que prêchait la confrérie. Une stratégie en deux temps.

D’abord le prosélytisme, prendre le contrôle des mosquées de Gaza, puis, lorsque la situation s’y prêterait, lancer le djihad, la guerre sainte contre Israël. De son côté, le Shabak (acronyme hébreu de «Sherout Bitakhon Klali». Appelé également Shin Beth), le service de sécurité intérieure, ne s’intéressait pas outre mesure à l’association dirigée par Yassine. «Il n’y avait là ni subversion ni terrorisme, donc cela ne nous concernait pas», me dira un officier responsable des renseignements militaires, puis d’ajouter: «La priorité, l’urgence, c’était de lutter contre les attentats commis par les organisations de l’OLP et sur ce point,Yassine expliquait qu’il combattait la gauche palestinienne… notre ennemi. Certains disaient qu’il était l’antidote à l’OLP. Notre erreur a été de le laisser faire.» Il faut dire aussi que les services israéliens ne disposaient, à l’époque, ni des experts nécessaires, ni des moyens d’analyser ce qui deviendrait le Djihad régional. Les gouvernements successifs s’en moquaient bien, qui n’ont jamais éprouvé le besoin de développer l’économie de Gaza. Certains, comme Menahem Begin, auront même envisagé d’annexer ce territoire en encourageant ses habitants au départ. Ce faisant, ils auront fertilisé le terrain social des Intifadas à venir.

À la même époque, les Américains contribuent à l’islamisation du Pakistan, à la multiplication des madrassas (les écoles coraniques), par le biais de l’aide aux moudjahidine afghans dans leur combat contre l’Armée rouge. De là sortiront les Talibans. Al-Qaida est issue de la guerre en Afghanistan. Zbigniew Brzezinski, le conseiller à la sécurité nationale du président Jimmy Carter, à l’origine de cette politique, dira en 1998: «Qu’est-ce qui est le plus important au regard de l’histoire du monde? Les Talibans ou la chute de l’empire soviétique?» Fragile explication qui omet de rappeler qu’après le retrait de leurs troupes, des responsables russes avaient proposé à Washington d’agir de concert contre le danger commun: l’islam radical.

En 1982, la guerre d’Ariel Sharon au Liban, contre l’OLP et le nationalisme palestinien, aura eu des conséquences identiques: l’émergence du Hezbollah, à qui Israël aura offert pendant dix-huit ans une zone de conflit privilégiée en occupant le sud du pays. La milice chiite y développera ses forces combattantes en attaquant l’armée israélienne. Une fois encore, les analystes et les experts israéliens n’ont pas réalisé l’influence politique et surtout religieuse de la révolution khomeiniste iranienne sur les chiites libanais. L’urgence de l’immédiat les empêchait d’appréhender le phénomène global.

En Israël, la gauche travailliste, tiraillée entre la volonté d’annexer quelques territoires – mais pas trop – et la nécessité de conclure des accords avec les Palestiniens et le monde arabe, est largement responsable du développement de la colonisation en Cisjordanie et de son épiphénomène, l’affirmation de l’intégrisme religieux nationaliste, terreau d’où surgira l’assassin du Premier ministre Yitzhak Rabin. De son côté, Ariel Sharon, ministre ou chef de gouvernement, ne s’embarrassera pas outre mesure du mouvement messianique.

Il l’instrumentalisera même, à l’occasion, pour mener à bien sa politique d’implantation dans les zones des territoires occupés nécessaires, selon lui, à la sécurité du pays. Son ennemi prioritaire a toujours été l’OLP, la seule organisation palestinienne susceptible d’obtenir des concessions territoriales d’Israël dans le cadre d’une paix que Sharon juge impossible. Ainsi s’explique sa stratégie constante. Fin mars 2002, il ira jusqu’à détruire les institutions de l’Autorité palestinienne et assiégera le QG de Yasser Arafat après l’attentat contre l’hôtel Park à Netanya, le soir de la Pâque juive, qui avait fait trente morts et cent quarante blessés.

Pourtant, l’auteur de l’attaque n’était pas issu de l’OLP ou du Fatah, mais bien du Hamas, dont l’objectif était, ce jour là, d’empêcher la conclusion d’un cessez-le-feu et de torpiller l’initiative de paix saoudienne votée à Beyrouth par la Ligue arabe. L’organisation de Yassine a d’ailleurs très vite constaté qu’Israël réagissait souvent à ces attentats en affaiblissant son adversaire… Arafat. Selon Dov Weissglass, son principal conseiller, Ariel Sharon avait «compris que chez les Palestiniens, la majorité n’avait pas le contrôle de la minorité, que l’administration centrale palestinienne n’avait pas la capacité d’imposer sa volonté à l’ensemble de la société. Pour lui, le terrorisme palestinien n’était pas national, mais religieux». Sharon et Ehoud Olmert, son successeur, ont finalement décidé, en 2005, le retrait de l’armée et l’évacuation des colonies de Gaza en sachant que, tôt ou tard, le Hamas y prendrait le pouvoir. En 2006, ils ont autorisé l’organisation intégriste à participer aux élections palestiniennes en sachant qu’elle allait remporter le scrutin à Gaza – et très probablement en Cisjordanie. Cela revenait à pérenniser le conflit dans la mesure où le Hamas n’était susceptible d’accepter qu’une trêve de longue durée avec Israël, et à ses conditions. Pas davantage, et surtout pas un accord de paix en bonne et due forme. Cette politique a bénéficié du soutien des néoconservateurs américains pendant les huit années de la présidence de George Bush. Ce fut une période clé de l’histoire du Proche-Orient.

La religion est l’un des principaux éléments de blocage du processus de paix. Les négociations de Camp David, en juillet 2000, ont échoué en raison de l’impossibilité de parvenir à un accord sur le Haram al-Sharif, la mosquée al-Aqsa et le Dôme du Rocher, le troisième lieu saint de l’islam – qui est aussi le mont du Temple du judaïsme. Le Premier ministre Ehoud Barak, pourtant travailliste et laïc, affirma à cette occasion: «Je ne connais pas un Premier ministre qui accepterait de signer le transfert de la souveraineté sur le Premier et le Second Temple [le mont du Temple], qui est la base du sionisme.» La plupart de ses conseillers l’avaient assuré qu’Arafat ne signerait aucun accord qui ne prévoirait pas la reconnaissance de la souveraineté sur le Haram. Ce site fascine les groupuscules messianiques juifs. À plusieurs reprises, des illuminés ont envisagé sa destruction afin de déclencher une guerre avec le monde musulman, étape vers la Rédemption. Parviendront-ils un jour à tromper la surveillance des services de sécurité israéliens et à déposer des explosifs sous la mosquéeal-Aqsa? Cette menace permanente fournit un argument majeur aux intégristes musulmans dans leur combat contre Israël.

L’offensive des fondamentalistes des deux bords agit dans le même sens. Au-delà de leurs objectifs religieux et territoriaux, les uns et les autres combattent la notion même de démocratie libérale. D’un côté, on revendique la charia; de l’autre, au mieux, le maintien du statu quo, le contrôle permanent de l’état civil israélien, quand on ne s’oppose pas manu militari à tout accord de paix avec les Palestiniens. Plusieurs analystes ont bien mis en évidence la responsabilité des administrations américaines dans l’implantation des

Talibans et d’Al-Qaida, la création du Hezbollah au Liban, et publié des ouvrages de référence sur le Hamas. J’ai voulu, au moment où Barack Obama se prépare à relancer le processus de paix au Proche-Orient, apporter une contribution à cette histoire en racontant l’enchaînement des erreurs qui, du côté israélien, ont fini par conférer au Hamas un droit de veto sur l’avenir de la région. D’anciens généraux, ex-gouverneurs militaires de Gaza et de la Cisjordanie, ex-responsables du Shabak, ex-officiers de renseignement ont apporté une contribution inestimable à mon travail en me donnant accès à des documents et à des rapports secrets qu’ils m’ont autorisé à lire. Certains m’ont demandé de garder l’anonymat. Tous regrettent l’attitude des gouvernements israéliens successifs qui, trop souvent, n’ont pas voulu entendre leurs mises en garde. Il faut, disent-ils aujourd’hui, que la leçon soit tirée. Leurs témoignages complètent, sur bien des points, certains procès-verbaux issus de mes archives personnelles, que le lecteur trouvera référencés dans mes ouvrages précédents.

Roni Shaked, excellent confrère du grand quotidien Yediot Aharonot, où il couvre depuis de longues années l’affaire palestinienne, m’a apporté de précieux conseils et commentaires.

Je le remercie, ainsi que ses assistants: Mor Mitrani et Ido Kadisheviz, de l’université hébraïque de Jérusalem.

Ce livre a été rendu possible grâce à Olivier Bétourné, mon éditeur et fidèle soutien.

Mon dernier mot sera pour Danièle, ma très patiente épouse et excellente lectrice critique.