Syrie-Israël. Tribune publiée dans le Nouvel Obs 1 Mai 2008

Israël-Syrie : la paix maintenant ?

Ne retenez pas votre souffle en attendant un accord entre Israël et la Syrie. Les pourparlers sur la procédure de négociation n'ont même pas débuté. Ehoud Olmert, le Premier ministre israélien, ne veut entendre parler que d'un processus de paix secret. Pour Bachar al-Assad, au contraire, les discussions doivent être publiques et en présence des Américains. Or la Maison-Blanche déteste le régime syrien et, jusqu'à présent, refuse ce genre d'invitation...

Il n'empêche, pour la première fois depuis huit ans, le dossier syro-israélien refait surface. L'initiative en revient au Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan. Selon la presse et les officiels de Damas, il aurait convaincu Ehoud Olmert d'adresser par son intermédiaire à Bachar al-Assad le message suivant : «Je suis prêt à vous restituer le Golan en échange de la paix.» Une phrase fondamentale, car le Premier ministre israélien connaît parfaitement la position définie par Assad père lors des négociations qu'il avait menées avec Ehoud Barak en 2000. Il exigeait un retrait sur la ligne de cessez-le-feu qui existait avant la guerre de Six-Jours en juin 1967. En d'autres termes, la totalité du Golan et 400 mètres de la rive est du lac de Tibériade redeviendraient syriennes. Mais Ehoud Barak a refusé et les négociations ont capoté, au grand dam de Bill Clinton qui servait de médiateur. Dans son dernier ouvrage, «la Terre beaucoup trop promise» (1), Aaron Miller, à l'époque un des principaux conseillers du Département d'Etat, révèle qu'en fait Barak n'avait aucune intention de conclure un accord avec Assad. Depuis cet échec, la Syrie s'est tournée vers l'Iran et a renforcé ses liens avec le Hezbollah.

Quel est donc l'intérêt d'Ehoud Olmert à la relance, aujourd'hui, des pourparlers avec la Syrie ? Veut-il faire pression sur le président Mahmoud Abbas alors que le processus d'Annapolis est dans l'impasse ? Les discussions entre Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères, et Ahmed Qoreï, le négociateur palestinien, n'avancent pas. La situation sur le terrain se détériore, et les grands projets de développement économique décidés lors de la conférence de Paris en décembre dernier n'existent que sur le papier.
L'administration américaine peut-elle encore jouer le rôle de l'arbitre impartial entre Israéliens et Palestiniens ? Miller, qui a passé vingt-cinq années au Département d'Etat, fait son mea culpa : «Pendant trop longtemps, de nombreux responsables américains, y compris moi-même, ont été les avocats d'Israël. ... La question n'est pas de savoir si un leader politique américain est pour ou contre Israël, mais du degré de son soutien à Israël. Bill Clinton était le président démocrate le plus pro-israélien depuis Harry Truman, et George Bush est le président républicain le plus pro-israélien de tous les temps.» A Washington, le vice-président Dick Cheney et plusieurs responsables au sein du Conseil national de Sécurité ont toujours fait activement campagne contre des négociations syro-israéliennes. Ehoud Olmert peut-il passer outre à ce diktat et entamer un dialogue sérieux avec Bachar al-Assad ? Il aurait tout à y gagner, comme l'affirme le général israélien Ouri Saguy, l'homme des négociations secrètes avec les Syriens en 1999 : «Une telle paix entraînerait un bouleversement stratégique régional en faveur d'Israël.»

(*) Auteur de «Par le feu et par le sang. Le combat clandestin pour l'indépendance d'Israël, 1936-1948», Albin Michel, 364 p., 20,90 euros.

(1)«The Much Too Promised Land. America's Elusive Search for Arab-Israeli Peace», Bantam Books, New York, 2008.

Charles Enderlin

Le Nouvel Observateur

Publié par cenderlin / Catégories : Analyses