Nous avons embarqué à bord de la "bestia", un train de marchandises qui permet à des centaines de migrants de s'approcher de la frontière américaine dans des conditions extrêmement dangereuses.
Le train est surnommé "la bête". Au bout d'une gare de marchandises, le long des rails, des dizaines de personnes courent pour s'accrocher au wagon. Personne ne sait quand le train va redémarrer, il faut faire vite pour grimper et se passer les baluchons. Ce jour-là, une famille, trois enfants et un bébé. Dans les wagons se trouvent des rouleaux de ferraille, mais, trop de poussière, la famille renonce. Sans eux, mais avec beaucoup d'autres, le train démarre. Le train roule à pleine vitesse, tout déplacement est périlleux. Le voyage vers la frontière américaine durera environ vingt heures, la chaleur est accablante, le vent est sec et brûlant. Dans chaque village, des passagers montent en marche. Dans toute l'Amérique, le train est surnommé "la bête", bestia, en espagnol.
Une pratique tolérée au Mexique
Dans un passage que les migrants appellent "la jungle", il faut se coucher pour éviter les branches. La "bestia" a fait beaucoup de victimes, dont beaucoup d'amputés. Un homme embarque sur une jambe, il y a un an, le train l'a mutilé alors qu'il échappait à la police de l'immigration. Ce jour-là, les migrants ont eux-mêmes arrêté le train en détachant deux wagons. Certains voyagent depuis plusieurs mois depuis l'Amérique centrale. Le train traverse le Mexique du sud au nord. Tout le temps où nous serons sur la "bestia", nous n'avons vu aucun contrôle de police. Les migrants sont largement tolérés. La nuit tombe, le bruit des rails accompagne la fin du voyage. La frontière américaine est encore à quelques centaines de kilomètres.
Reportage d'Agnès Vahramian, Andreane Williams, Fabien Fougière, Arielle Monange