"Maintenant, il arrive que je sois verbalement harcelé dans la rue. Trump a révélé la parole islamophobe"

Hier matin, quelques heures avant son entrée en vigueur, un juge fédéral d'Hawaï a bloqué la troisième mouture du décret anti-immigration de Donald Trump. Plusieurs centaines de manifestants, pour beaucoup originaires des huit pays concernés par le décret, ont manifesté hier toute la journée au coeur de la capitale américaine, à deux pas de la Maison-Blanche.

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Dans le parc Lafayette, adjacent à la Maison-Blanche, résonnent les battements d'un tambour, accompagnés par des cris en arabe et en anglais. Pancartes à la main, des centaines de manifestants, composés majoritairement d'hommes, hurlent leur colère à l'encontre du président américain et de son décret anti-immigration. "Pas de haine, pas de crainte, les réfugiés sont les bienvenus" scandent en coeur les militants. Les drapeaux de la Syrie, du Yémen et du Tchad flottent dans les airs aux côtés de la bannière étoilée des États-Unis.

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Hassan Shibly est né à Damas, la capitale syrienne, en 1987. Il s'est installé à Buffalo, dans l'État de New York avec ses parents, à l'âge de 4 ans. Sa ville d'origine, il l'a découverte en rendant visite à sa famille à plusieurs reprises. "Mes parents auraient pu choisir n'importe quel pays pour nous assurer une meilleure vie. Mais ils sont venus aux États-Unis car c'est un pays libre, explique le trentenaire. Ce décret anti-immigration va à l'encontre de tout ce que je crois en tant que père, citoyen américain, avocat et immigrant syrien". 

Depuis 2011, Hassan réside à Tampa en Floride, où il exerce le métier d'avocat. Depuis l'élection de Donald Trump, il a personnellement été victime de discrimination : "Maintenant, il arrive que je sois verbalement harcelé dans la rue, comme par exemple lorsque que je prie en public dans un parc. Trump a révélé la parole islamophobe, alors qu'avant, c'était honteux de tenir ouvertement de tels propos". Ce père de trois enfants en bas âge se félicite du barrage de la troisième version du décret, synonyme de victoire pour les milliers de Musulmans qui résident aux États-Unis."Il faut absolument que la justice continue de maîtriser Trump. Il est le président, oui, mais il n'a pas les pleins pouvoirs", clame-t-il.

Sensibiliser les jeunes générations

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La communauté musulmane s'est déplacée en nombre pour crier non au décret. Et elle peut compter sur de nombreux alliés. Car aujourd'hui, c'est la solidarité multiculturelle qui prime. Dans la foule, une petite voix fluette tranche avec celles des adultes. Il s'agit de Sawyer, 4 ans, accompagné de sa maman Nicole Wichert. Mère et fils profitent d'une journée libre, sans école ni travail, pour prendre part au mouvement.

Le sourire aux lèvres, le petit garçon aux cheveux bruns n'est pas peu fier de brandir sa pancarte verte, presque aussi grande que lui. "Je lui ai expliqué la situation avec des mots simples, que son coeur est assez gros pour aimer tout le monde, confie l'habitante de l'État de Virginie, beaucoup plus active au sein des manifestations depuis l'élection de Donald Trump. Je veux lui apprendre à prendre la parole contre les idées injustes. Nul ne peut interdire l'accès à certains individus à cause de leur religion. Ni Trump, ni personne".

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Une portée à l'international

Grâce aux réseaux sociaux, la protestation dépasse les frontières de Washington, et même celles de l'Amérique du Nord. Le téléphone portable à la main, de nombreux manifestants enregistrent en direct l'événement, aussitôt retransmis sur Facebook. Shamsan, lui, est connecté via Skype avec son ami Adboul qui habite en Égypte.

Originaire de la ville d'Ibb, au Yémen, Shamsan vit aux États-Unis depuis 20 ans, mais ne possède pas encore la citoyenneté américaine. Les deux hommes ne se sont pas vus depuis plusieurs années, et cette durée pourrait bien s'allonger si le décret du président américain venait à être promulgué. "Je veux que mon ami soit témoin de ce qui se passe ici. Je veux qu'il sache qu'on ne se laisse pas faire et qu'on va faire bouger les choses, soutient fermement le Yéménite. Ma voix est celle de tous ceux qui vivent à l'étranger. On se bat aussi pour eux".

Yelen Bonhomme-Allard 

US President Donald Trump signs a confirmation for John Kelly as US Secretary of Homeland Security, as Vice President Mike Pence (L) and White House Chief of Staff Reince Priebus (R) look on, in the Oval Office of the White House in Washington, DC, January 20, 2017. / AFP PHOTO / JIM WATSON

Victoire de Trump : le décret migratoire remis partiellement en vigueur

La Cour suprême des États-Unis a décidé, aujourd'hui, d'écouter les arguments de Donald Trump quant à son décret anti-immigration. Ce dernier interdisait aux ressortissants de 6 pays musulmans l'accès sur le sol américain. Le décret sera examiné en audience à l'automne prochain. 

Cette annonce est une belle revanche, somme toute relative, pour le locataire de la Maison Blanche. Aujourd'hui, la Cour suprême américaine a remis partiellement en vigueur le décret migratoire interdisant l'accès aux États-Unis pour 6 pays principalement musulmans : Libye, Iran, Somalie, Soudan, Syrie et Yémen.

L'ordonnance s'applique vis-à-vis des individus "n'ayant pas établi de relation de bonne foi avec une personne ou une entité aux États-Unis". Concrètement, les personnes n'ayant aucun membre de leur famille vivant sur le sol américain se verront refuser l'accès.

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Des manifestants opposés au décret signé par Trump s'était rassemblés l'aéroport international Dallas-Fort Worth. Photo G. Morty Ortega

En janvier dernier, la déclaration très controversée de Donald Trump avait suscité la consternation et la colère au quatre coins du monde. Plusieurs manifestations avaient éclaté à travers les États-Unis, bloquant notamment l'accès aux aéroports.

Yelen BONHOMME-ALLARD

Le décret anti-immigration a alarmé le monde entier ce week-end

Le décret anti-immigration signé vendredi 27 janvier par le nouveau Président a fait réagir le pays et les citoyens du monde entier ce weekend. Visant, selon Donald J. Trump, à «maintenir les terroristes radicaux hors des Etats-Unis», la mesure interdit l’accès aux Etats-Unis des ressortissants de sept pays (Yémen, Soudan, Irak, Iran, Syrie, Libye et Somalie) pendant 90 jours – à l’exception de la Syrie pour laquelle la période est indéfinie.

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Manifestants contre le décret anti-immigration de Donald Trump à Washington DC, dimanche 29 janvier. Getty.

Colère et manifestations

Dès l’application du décret vendredi soir, des voyageurs se sont retrouvés bloqués dans les aéroports américains. Sur les réseaux sociaux, les histoires de ces voyageurs pris au piège ont vite été partagées, l’opportunité pour des milliers d’internautes de s’indigner.

Dès samedi, des centaines de manifestants ont rejoint les aéroports pour faire entendre leur colère. Alors que les accusations d’inconstitutionnalité se sont rapidement multipliées, l’ACLU, l’association de défense des libertés civiles, a saisi samedi matin la juge fédérale de New York, Ann Donnelly.

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Manifestants à l'aéroport JFK de New York, samedi 28 janvier. Getty Images.  

La justice comme ultime recours

Cette dernière a jugé que les autorités n’avaient pas le droit d’expulser les individus originaires des pays en question, estimant que cela leur causerait un « tort irréparable ». Cette décision n’est cependant que temporaire – dans l’attente d’un jugement sur le fond du décret – et ne remet pas en cause le décret en lui-même. Néanmoins, elle s’applique à l’ensemble du pays et constitue une première victoire pour les opposants au décret et à la nouvelle administration.

Dans le même temps, nombreuses sont les personnalités, en particulier de la Sillicon Valley, à avoir pris position contre cette nouvelle décision du Président Trump, avec Mark Zuckerberg, président de Facebook, en tête de file. Les pressions internationales ne se sont pas fait attendre. La France a par exemple condamné la mesure et Justin Trudeau, Premier Ministre du Canada, n'a pas hésité à réagir sur Twitter samedi 28 janvier:

« À ceux qui fuient la persécution, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueillera indépendamment de votre foi. La diversité fait notre force. »

 

Justin Trudeau twitte en réaction à la mesure prise par le Président Trump, samedi 28 janvier. Compte twitter de Justin Trudeau.

Donald Trump ne tremble pas

Des réactions massives qui n’ont pas fait peur au Président, qui ne recule pas. Donald Trump, accusé de faire le tri entre les religions en visant les musulmans – les réfugiés syriens étant interdits de territoire à l’exception des réfugiés chrétiens –, nie toute discrimination. Selon lui, il s’agit seulement de sécuriser les Etats-Unis en empêchant l’entrée de citoyens de pays considérés comme dangereux. Le nouveau Président a précisé dimanche 29 janvier que le pays, étant « une fière nation d’immigrants, (…) continuera de montrer de la compassion pour ceux qui fuient l’oppression tout en protégeant [ses] propres citoyens et [sa] frontière ».

« Peut-être que l’on doit étendre la mesure »

Le chef de cabinet de la Maison Blanche, Reince Priebus, interviewé le même jour sur CBS, a lui aussi défendu la mesure, en répondant à ceux qui critiquent un choix de pays surprenant.

« Ce n’est pas une interdiction visant les musulmans. Il s’agit seulement d’identifier les sept pays ayant été jugés par le Congrès et l’Administration Obama comme étant ceux dans lesquels le terrorisme dangereux sévit le plus. D’autres pays ont des problèmes similaires, peut-être que l’on doit étendre la mesure. Mais pour l’instant nous nous concentrons sur ces sept pays. »

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Reince Priebus, chef de cabinet de la Maison Blanche, lors de la Conference CPAC, 2014. Gage Skidmore. 

Priebus a cependant ajouté une précision majeure au texte. « Si vous êtes détenteurs d’une carte verte et que vous faites des allers-retours au Yémen, il est normal que l’on vous interroge d’avantage », a-t-il clarifié, sans parler d’expulsion. En d’autres mots, les détenteurs d’une carte verte originaires des pays en question pourraient tout de même entrer aux Etats-Unis.

 

Victoria David