Candidats #5: Marco Rubio, le favori latino

Cette semaine, nous nous intéressons à un autre des favoris de la primaire républicaine pour la présidentielle de 2016. Marco Rubio, un des deux candidats hispaniques de la primaire (avec l'ultraconservateur Ted Cruz) est dans le trio de tête des sondages, mais a t'il une vraie chance de l'emporter?

Son portrait, par Jacques Cardoze.


Candidats #5: Marco Rubio by ftv-geopolis

1Qui est Marco Rubio?

Rubio, âgé de seulement 44 ans, est une étoile montante du parti républicain. Membre de la chambre des représentants de Floride à partir de 2000, il est devenu sénateur de l'état en 2011. Sa présence au sommet des sondages est une progression météorique pour un politicien connu d'une seule poignée de spécialistes il y a encore quelques mois.

Rubio est un cubain-américain, fils d'un couple ayant émigré à Miami en 1956, avant l'arrivée au pouvoir de Fidel Castro. Rubio a d'ailleurs été pris à embellir l'Histoire, faisant de ses parents des réfugiés politiques du communisme plutôt que des migrants économiques de l'ère Batista. Comme la plupart des hispaniques, Rubio est un catholique, le seul de la primaire républicaine.

Contrairement à des candidats comme Ben Carson, Carly Fiorina ou Rand Paul, Rubio est un politicien de carrière, membre des structures du parti républicain en Floride depuis ses années étudiantes. Assistant parlementaire, puis représentant d'état puis sénateur, il suit le parcours classique de l'establishment républicain. En revanche, Rubio n'a jamais été gouverneur, la voie royale vers la présidence.

2Quel est son programme?

Immigration: L'immigration est son sujet phare. En 2011, il faisait partie du « Clan des 8 » sénateurs, un groupe bipartisan proposant une réforme massive de la politique américaine d'immigration, centrée notamment autour de la possibilité d'un accès à la citoyenneté pour les immigrés présents sur le territoire américain. Sa position sur le sujet a changé à l'approche des primaires. Silencieux sur le « path to citizenship » par égard pour les électeurs, Rubio supporte à présent un renforcement de la sécurité des frontières.

International: Dans l'ensemble, Rubio est un républicain interventionniste plutôt qu'isolationniste. Il a reproché à Obama de ne pas avoir soutenu plus activement les rebelles modérés face à Bachar al-Assad et de ne pas s'être engagé aux côtés de l'Ukraine face aux rebelles séparatistes. Cela dit, il est favorable à l'aide internationale et aux organismes internationaux comme l'ONU.
Rubio est opposé au rapprochement avec Cuba. « Un rapprochement ne mettra pas fin à l'oppression là-bas » explique t'il.

Economie: Rubio est un conservateur fiscal traditionnel. Son programme comprend de larges réductions d'impôts, aussi bien pour les particuliers que pour les entreprises. Il entend aussi diminuer la régulation gouvernementale sur les marchés, notamment dans le domaine d'Internet et de l'énergie.
Contrairement à la plupart des républicains en revanche, Rubio veut donner à la présidence plus de pouvoir dans les négociations commerciales internationales. (Au moment ou le Congrès républicain se plaint d'avoir été exclu des négociations sur le pacte commercial trans-pacifique.)

Environnement: En tant que catholique, Marco Rubio est le seul candidat a être concerné par l'encyclique du pape sur le changement climatique. Ses positions restent toutefois inchangées, il ne croit pas que le changement climatique soit du à l'activité humaine ou qu'il représente un danger particulier. Interrogé sur ses questions, c'est un grand habitué de l'évasion habituelle des républicains: « Je ne suis pas un scientifique. »

3Quelles sont ses chances?

Plus qu'aucun autre candidat, les chances de Marco Rubio dépendent du soutien de l'establishment républicain. Il ne dispose ni d'une base militante solide comme le Tea Party, ni d'un fief électoral comme Scott Walker. En revanche, les stratèges républicains s'intéressent de près à son cas et pourraient lui apporter un soutien déterminant lors de la convention républicaine vers la fin de la primaire.

Pourquoi? En raison du système de collège électoral, les présidentielles américaines se jouent dans quelques états clés. Les côtes sont acquises aux démocrates, les états du Sud et le Texas aux républicains. Les campagnes se jouent donc principalement dans quelques « swing states » comme le Maine, le Colorado, l'Ohio, l'Iowa, et...La Floride et ses 29 grands électeurs, remportée en 2012 par Barack Obama avec 0,9% d'avance sur Mitt Romney.

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Les Etats où concentrent les visites de candidats (à gauche) et les attributions de fonds (à droite) lors des présidentielles. On note l'importance de la Floride en bas à droite.

Marco Rubio, cubain et enfant du pays, aurait de grandes chances de renverser l'état en faveur des républicains. Reste aux stratèges du parti à calculer si Rubio aurait de meilleures chances que Jeb Bush (qui fut gouverneur de Floride) dans le reste du pays. Rubio est un candidat plus à droite que Bush, et donc moins séduisant pour les indépendants. Mais son nom n'est pas « Bush » - c'est un avantage - et il pourrait piller l'électorat hispanique des démocrates.

Une fois les savants calculs effectués, on pourra voir vers qui penche l'establishment. Dans une primaire américaine, la décision ne revient pas seulement aux électeurs.

CHANCES DE DEVENIR PRESIDENT DES ETATS-UNIS: Bonnes.

T.L

 

Humeur #8: La violence incontrôlée de la police américaine

Mercredi, la famille d'un homme atteint de troubles mentaux a publié la vidéo de sa mort, abattu par balles par la police de Dallas à son domicile en juin 2014. (La vidéo, partiellement censurée, est disponible à cette adresse. Attention toutefois, son contenu est extrêmement brutal.)

Cet incident est le dernier d'une très longue série de morts aux mains de la police. La police américaine est notoirement violente, très portée sur les armes et profite d'un des cadres légaux les plus permissifs des nations occidentales. Un officier de police américain est autorisé à tirer dès qu'il se sent menacé.

Et les résultats sont là. Les forces de l'ordres américaines tuent, elles tuent souvent et elles le font avec impunité. C'est l'humeur de la semaine de Jacques Cardoze.

Les statistiques parlent

Les statistiques officielles concernant les morts dues à la police manquent notoirement de fiabilité. Le Bureau of Justice statistics se contente de relever les morts en incarcération, tandis que les statistiques du FBI sont basées sur une déclaration volontaire des faits par les polices locales et contiennent donc une fraction de l'ensemble des faits.  La tâche de recenser et classifier les personnes mortes durant des interventions revient donc à des particuliers, peu fiables mais plus exhaustifs, avec des résultats accablants.

Le site « Fatal Encounters », qui fonctionne sur un modèle de crowdsourcing vérifié -comme Wikipédia- comptabilise déjà 5363 morts dans les années 2000, et son travail est incomplet. C'est une base de donnée fascinante que nous vous invitons à consulter.
Jim Fisher du blog True Crime a épluché les résultats Google pour l'année 2011, en se concentrant uniquement sur l'usage d'armes à feu. Vu la méthodologie employée, les résultats sont sans doute partiels, mais Fisher estime que la police a tiré sur 1146 personnes, en tuant 607.

A titre de comparaison, la même année, les policiers armés britanniques ont tiré 5 fois et tué 2 personnes.

Si la mort de l'homme abattu à Dallas est un symbole, c'est aussi car il représente le portrait-robot de la victime d'une opération policière. Selon les données de Fatal Encounters, la victime idéale est un homme, noir, âgé d'entre 20 et 30 ans, atteint de troubles mentaux et décédé par balles.

Visualisation vidéo des morts provoquées par la police américaine entre 2000 et 2014

Une crise nationale

Le nombre de questions à poser sur l'incident particulier à Dallas est incroyable. De nombreux experts sont d'ailleurs en train de le faire. Mais il y avait aussi beaucoup de questions individuelles sur la mort d'un sans-abri à Los Angeles (5 Mars 2015), celle d'un enfant de 12 ans à Cleveland (27 Novembre 2014).

Enfin impossible de ne pas parler de la mort de Michael Brown à Ferguson (9 Août 2014), qui avait entraîné des émeutes raciales dont le pays ressent encore les soubresauts. Les manifestants se sont ralliés derrière le slogan « Hands up, don't shoot » (On a les mains en l'air, ne tirez pas.)

Mais plutôt que de s'interroger sur le cas particulier, il est temps pour les Etats-Unis de tirer une leçon générale. Leur police surarmée, suréquipée, sous-entraînée et encline à la violence est un danger pour ses citoyens et divise profondément le pays.

Hands up. Don't shoot.

T.L

Humeur #4: A quoi sert encore Obama?

Barack Obama entre dans la dernière ligne droite de son deuxième mandat, il ne lui reste qu'un peu moins de deux ans à gouverner. Le 20 janvier 2017, il ne sera plus le président des Etats-Unis.

Mais à quoi peut-il bien servir jusqu'ici? La course aux prochaines élections, qui se tiendront en novembre 2016, a déjà commencée. Les moments de course électorale sont rarement l'occasion de grandes réformes, d'autant plus lorsque le Congrès est en opposition farouche avec la Maison Blanche.

L'humeur de Jacques Cardoze

Obama a toujours la possibilité de gouverner par décret, mais là aussi, les républicains ont l'intention de lui mettre des bâtons dans les roues. Face aux propositions du président en matière d'immigration,  Rand Paul, candidat présomptif à l'investiture républicaine, a lancé une pétition au succès croissant pour inciter le Sénat à siphonner les fonds alloués à ses mesures.

 Il ne reste donc à Obama que la politique étrangère pour entrer dans les livres d'Histoire. Après un Prix Nobel controversé, une politique timide au Moyen-Orient, il lui faut utiliser ses derniers moments à la Maison-Blanche pour traiter quatre dossiers: Cuba, l'Iran, la Russie et l'Etat Islamique.

S'il y parvient, il pourrait véritablement devenir « Un grand président ».

Humeur : Le faux scandale de Michelle Obama en Arabie Saoudite

La visite du couple Obama en Arabie Saoudite n'est pas passée inaperçue. La présence de Michelle, en particulier, a entraîné un cortège de réactions en raison d'une vidéo publiée sur Youtube, montrant la First lady le visage flouté. Il n'en fallait pas plus pour que certains médias n'accusent la télévision saoudienne de censurer les visages féminins dévoilés.

Une polémique très vite démentie et désamorcée par la publication de la véritable vidéo, ou Michelle Obama a bel et bien le visage découvert et apparent.

Polémique artificielle en Europe

Certains en Europe ont voulu voir dans la démarche de Michelle Obama un « courage incroyable ». Ah, cette Première dame qui ose « braver l'interdit »en décidant de ne pas porter le voile lors de son arrivée à Ryad...
Pourtant, vu des Etats-Unis, cette lecture des événements n'a pas de sens. La presse américaine n'a d'ailleurs pas écrit la moindre ligne sur ce qui est en train de devenir une affaire en Europe.

Par ailleurs et c'est encore plus gênant : le décalage entre les faits perçus et les faits réels est considérable.

• Pour commencer, le code vestimentaire en Arabie Saoudite stipule qu'une femme étrangère n'a pas l'obligation de se couvrir la tête, sauf sur des lieux sacrés. Voilà pourquoi aucun représentant saoudien n'a protesté officiellement contre le choix de Michelle Obama.

• Aucune personnalité américaine n'est jamais apparue couverte en Arabie Saoudite. En 2012, Hillary Clinton, alors Secrétaire d'état de la première administration Obama a eu des échanges à avec des hauts dignitaires du régime, elle n'était pas couverte et personne n'a réagit . Même chose pour Madeleine Albright, secrétaire d'état de l'administration Clinton, Condolezza Rice en 2007 et en 2008,  Laura Bush, reçue en grande pompe par le Roi Abdallah en 2008 ou les européennes Angela Merkel (2010) et Bernadette Chirac. A noter que Samantha Cameron avait préféré renoncer au déplacement, ça lui a évité de se poser la question !

• Enfin, les pseudo-spécialistes qui font courir cette idée ont oublié un détail : les Saoudiens et les Américains sont de vieux amis. Peut-on imaginer une seule seconde que la délégation américaine soit assez stupide pour oublier le code vestimentaire, risquer un scandale diplomatique de grande ampleur et faire affront à un allié dont elle a besoin? L'Arabie Saoudite détient une bonne partie des clefs dans une région aux multiples tensions ? Le département d'état n'est pas prêt d'entrer en conflit avec la police religieuse...

Pour toutes ces raisons, cette affaire m'a passablement agacé. Les réseaux sociaux et quelques experts jouent dans cette affaire un rôle néfaste, car le plus grave c'est que des démentis n'auront qu'un effet limité. Certains musulmans pourraient se sentir offensés par cette non-information, tandis qu'aucun responsable religieux n'aura protesté !

De leur côté, une fois la polémique initiale disparue, les médias américains n'ont pas parlé de cette «affaire », sinon pour la dégonfler et rigoler de quelques réactions sur la toile. Ce genre d'anecdote est pour moi très révélatrice. L'Amérique, reine des églises et des religions, sait parfois mieux que quiconque ce qui est offensant et ce qui ne l'est pas !

Jacques Cardoze