Cinquante ans après la mort de Martin Luther King Jr., le rêve du pasteur de Montgomery n’est pas devenu réalité. Malgré de nombreuses avancées, les inégalités entre les communautés noires et blanches persistent. Aux États-Unis, nombreux sont ceux qui continuent de rêver d’égalité sociale.
"Je fais un rêve dans lequel trop c'est trop. Il ne devrait pas y avoir d'armes dans ce monde", a affirmé la petite fille de Martin Luther King, Yolanda Renee, âgée de neuf ans, devant plus de 200 000 personnes à l’occasion de la March for Our Lives pour le contrôle des armes à feu de Washington, le 24 mars dernier.
Cinquante ans après sa mort, le combat de Martin Luther King pour les droits civiques et la justice sociale continue ainsi d’alimenter le débat public américain, comme peut également l’illustrer le mouvement Black Lives Matter contre la violence et le racisme systémique envers la communauté noire.
" Si sa vie n'avait pas été prise, King aurait aujourd'hui défilé en criant Black Lives Matter pour une loi fédérale obligeant la police à rendre des comptes pour avoir tué des gens innocents non armés à cause de préjugés raciaux", écrit Andre Perry, chercheur à la Brookings Institution sur le blog du think tank.
Qu’en est-il réellement aujourd’hui ?
L’élection de Barack Obama, en 2008, a pu être interprétée comme l’aboutissement du combat de Martin Luther King. Pourtant la réalité est plus nuancée. Certains activistes afro-américains dénoncent en effet le fossé qui s’est creusé depuis les années 1960 entre la bourgeoisie et la communauté ouvrière noires. A Chicago, la construction de la bibliothèque présidentielle de Barack Obama dans son ancien quartier est dénoncée par une partie de la communauté noire, qui craint la gentrification du quartier avec l’aménagement de plusieurs infrastructures culturelles et hôtelières haut de gamme autour de l’établissement présidentiel.
Le rêve du pasteur noir a laissé de côté les classes populaires noires, les huit années de présidence de Barack Obama n’ayant pas mis fin aux inégalités. "Il y a deux rêves, corrige le révérend Finley Campbell, à la tête de la lutte contre le projet. Le rêve pour les élites et la bourgeoisie noires : de ce côté-là, c’est un triomphe. Mais pour la classe ouvrière, ça n’a pas fonctionné."
En effet, aux États-Unis, les inégalités raciales persistent, "surtout quand on regarde la pauvreté noire, le taux d'incarcération des Noirs et la question de la brutalité policière", a déclaré Jason Sokol, professeur d'histoire à l'Université du New Hampshire.
En 2016, par exemple, le ménage noir médian a gagné 39 490 $ alors que le ménage blanc médian a gagné 65,041 $ soit un écart de 39%.
Fin 2017, 7% de la communauté noire en âge de travailler est au chômage alors que moins de 3,5% des personnes blanches en âge de travailler le sont.
Quant au taux d’incarcération, 33% des détenus américains appartiennent à la communauté noire alors que celle-ci ne représente que 12% de la population totale d’adultes américains.
"Bien qu'il y ait certainement eu des changements dans les attitudes racistes des individus, le racisme qui est ancré dans les institutions et dans les structures aux États-Unis n'a pas beaucoup changé", a affirmé Henry Louis Taylor, de l’Université de Buffalo.
Où en est l’héritage de Martin Luther King Jr. ?
Lorsqu’il a été assassiné à l'âge de 39 ans sur le balcon d'un motel de Memphis, dans le Tennessee, le 4 avril 1968, Martin Luther King était un homme controversé et clivant, contrairement à la figure emblématique célébrée aujourd'hui avec une journée nationale et un mémorial monumental à Washington.
"Il est facile pour les Américains d'oublier à quel point King était réellement polarisant dans les années 1960", a déclaré David Farber, professeur d'histoire à l'Université du Kansas. "Il était devenu une figure radicale aux Etats-Unis, un opposant franc à la politique étrangère américaine, exigeant que la justice ne s'étende pas seulement aux Afro-Américains mais à tous les Américains pauvres".
Interrogés par NBC à l’occasion du cinquantenaire de sa disparition, plusieurs personnalités publiques afro-américaines sont revenues sur l’héritage de Martin Luther King et ont réfléchi aux progrès à accomplir pour réaliser le rêve de justice et d'égalité de tous les Américains.
"Les Américains peuvent honorer l'héritage du Dr. King en se regardant honnêtement dans le miroir de ce que nous pouvons tous faire pour ne pas donner au racisme et à la bigoterie l'occasion de prendre pied sur nos institutions", a ainsi déclaré Kareem Abdul-Jabbar, six fois champion de la NBA
Plein d’espoir, Colin Powell, premier homme noir à devenir Secrétaire d'État regarde vers l’avenir : "J'espère que dans 50 ans, nous serons tous à nouveau un peuple, une nation."
Jules Béraud