L'atmosphère politique est électrique en ce moment à Washington DC, autrefois ville joyeuse où galas et soirées mondaines faisaient partie du charme de la ville.
Donald J. Trump est arrivé au pouvoir le 20 janvier dernier, et depuis, la ville retient son souffle en attendant le prochain dérapage. Il se met à dos les médias - pardon, il insulte les journalistes - et crée des tensions au sein même de son administration et du Congrès, pourtant républicain.
Le nouveau Président élu a tout misé sur son discours d'hier soir, mardi 28 février, face au Congrès. Comme chaque année, le Président s'est exprimé devant les deux chambres réunies dans le cadre d'une session commune ("joint session") durant laquelle le Président a dévoilé ses projets pour l'année à venir.
C'est un passage obligé pour le Président qui espère unifier le pays et avoir l'accord du Congrès pour de nouveaux budgets, de nouvelles propositions de lois et autres décisions budgétaires. Il a donc tout intérêt à faire preuve de diplomatie. Une condition remplie par Trump qui a évité tout débordement en soignant son ton présidentiel.
https://www.youtube.com/watch?v=cH_231dBLGI
Discours du Président Trump le 28 février 2017.
Pendant plus d'une heure, nous avons eu droit à un mélange de discours de campagne, d'approximations, d'exagérations, d'affirmations péremptoires et hors de contexte. Cependant, impossible de lui reprocher de ne pas avoir cherché à provoquer et d'avoir soigné son langage.
Combien de sites internet ont-ils déjà écrit des articles sur "les fact checking"? "Ce qu'il faut retenir de son discours"? "Les cinq phrases les plus marquantes"... Mais de nombreux articles ont déjà résumé, revu et corrigé le discours des dizaines de fois pour nous.
Cette couverture médiatique semble avoir omis un des éléments clés de l'événement d'hier soir: le rôle du service de presse de la Maison Blanche lors du discours de Donald J. Trump.
Comme toujours, les journalistes de Washington reçoivent les discours, ou du moins les grandes phrases d'un discours du président, quelques heures avant le début de l'allocution. C'était aussi le cas avec Barack Obama. Cela permet aux journalistes de travailler plus rapidement et de publier leurs articles à la seconde où le discours se termine. Jusqu'ici, rien d'anormal.
Cependant, alors que nous étions tout ouïe, regardant ce discours tout en twittant les remarques du Président, il était impossible de ne pas se rendre compte qu'à la fin de chaque idée ou thème expliqué et présenté au Congrès, nous (journalistes) recevions à l'instant même un email du service de presse de la Maison Blanche résumant ce que le Président venait de dire.
Ces emails démontraient en quoi Donald J. Trump avait raison, pourquoi il devait s'occuper de ce pays abîmé par l'ancien Président, donnant par là même des informations nouvelles, que les journalistes pouvaient alors tout de suite utiliser pour écrire leurs articles.
Cela est arrivé à neuf reprises en moins d'une heure de discours. Recevoir tant d'emails du service presse n'a jusqu'ici rien de nouveau, mais le contenu de ces emails étaient pour le moins déconcertant.
A leur lecture, il apparaît très clairement que la Maison Blanche s'attend à ce que nous utilisions ces informations, comme l'on donne du pain aux oiseaux. Le service de presse nous mâche donc le travail afin que nous (journalistes) ne pouvions pas inventer des informations et alimenter nos articles de "fake news" dont l'administration Trump se plaint régulièrement.
Cependant lorsque l'on compare les emails du service de presse de la Maison Blanche aux articles fact checking du New York Times (ennemi public numéro un de Donald J. Trump) et de l'agence de presse Associated Press, certaines informations diffèrent.
L'un des premiers emails que nous recevons résume ce que le Président Trump a accompli lors de ses 40 premiers jours à la Maison Blanche. Cet email, envoyé pendant le discours, vient du service de Presse. Il est écrit " FOR IMMEDIATE RELEASE" (pour diffusion immédiate) en haut de l'email, comprenez: les journalistes peuvent utiliser et publier ces informations. Serait-ce une stratégie de la Maison Blanche pour que les journalistes écrivent des articles en faveur du président? Il semble que nous n'écrivons que des articles négatifs sur le président, nous sommes "les ennemis du peuple", comme il l'explique dans un tweet vendredi 24 février dernier.
Il devient logique pour la Maison Blanche de nous envoyer des emails nous rappelant toutes les bonnes choses que Trump a déjà accomplies, lorsque nous, reporters à Washington DC, n'écrivons que mensonges et sommes "d'ennemis pour le peuple américain" dans un tweet le 17 février dernier.
Cela n'a pas empêché les journalistes de médias reconnus tels que le New York Times, le Washington post, et Associated Press, entre autres, de faire leurs propres analyses, c'est-à-dire des "fact checking", un nouveau genre d'article devenu incontournable. Autant vous dire que le Président est loin d'être exemplaire. (Voir liens au début de l'article.)
Alors qu'il y a quelques mois, les journalistes et la Maison Blanche travaillaient ensemble pour respecter au maximum le premier amendement (liberté de la presse), cherchant à améliorer les relations entre les deux en permanence, nous sommes maintenant devenus les parias, des menteurs à qui il ne faut pas parler, nous interdisant même l'accès à la conférence de presse quotidienne, qui était devenu l'un des symboles de la démocratie et de la liberté de la presse. C'est donc sans surprise qu'après de longues recherches, nous n'avons pas trouvé de médias influents utilisant les informations données par la Maison Blanche.
Bien essayé, mais les journalistes ont choisi leur camp et gardent leur indépendance.
Emails venant du service de presse de la Maison Blanche pendant le discours de Donald J. Trump au Congrès. 28/02/2017. Cliquez ici