A Bologne, on restaure les films à bout de souffle

C'est un travail de fourmi qui prend des heures et dont il rêve la nuit. Gian Luca Farinelli, 57 ans, s'est donné pour mission de réparer les plus grands chefs d'oeuvre internationaux. Marcello Mastroianni, Vittorio de Sica ("Le voleur de bicyclettes"), Federico Fellini (l'affiche originale d'"Amarcord" tapisse l'un de ses murs) mais aussi Truffaut, Chaplin ou Sergio Leone. Voilà les monuments abîmés qu'il restaure avant que ceux-ci ne soient projetés à la Mostra de Venise ou au festival de Cannes.

Son rêve ? "Retrouver les films italiens des années 1910, car à cette époque, ce sont les femmes qui avaient le pouvoir ; elles étaient actrices, productrices, réalisatrices... Mais aussi le film américain "Sea Gulls", dont il existe deux versions jamais retrouvées. L'une de Chaplin lui-même, qu'il a détruite en 1933, et l'autre de Josef von Sternberg et produite par Chaplin".

Des films particulièrement inflammables

Son laboratoire de restauration, "L'immagine ritrovata" ("l'image retrouvée") est au coeur de Bologne ; mais sa réputation à travers le monde a permis l'ouverture de succursales à Lyon et Paris. Depuis sa fondation en 1992, L’Immagine ritrovata restaure, voire ressuscite de bout en bout, plus de quarante films par an. Parmi ses clients : Pathé, Studiocanal, Warner, Sony...

Chaque été depuis 30 ans, au mois de juin, la Cinémathèque de Bologne organise un festival (Il Cinema Ritrovato) où l'on diffuse le patrimoine cinématographique mondial sauvé par Gian Luca et ses artisans - qui récupèrent à la glycérine, centimètre par centimètre, des bobines parfois en piteux état, victime des fréquentes incendies des vieux cinémas - les lampes de projection étaient en cause, mais aussi la matière très inflammable des bobines, faites de nitrate de celullose. On l'interdit dans les années 1950 pour la remplacer par de l'acétate qui, lui, a pour effet de s'auto-dégrader avec le temps. Mais qu'importe l'état des pellicules qu'il retrouve, une chose est sûre pour Gian Luca : la chasse n'est pas finie ; " Je suis sûr que d'autres pépites se cachent quelque part dans un grenier ou dans une cave". Reportage d'Anne Donadini et Virgil Schneckenberger.

Le site de l'Immagine Ritrovata, c'est par ici !

L'info en + : les bobines de film en acétate (datant généralement d'après 1954) sont victimes d'un phénomène particulier nommé le syndrome du vinaigre, permettant d'identifier vite leur mauvais état. En s'auto-dégradant lentement, elles produisent une violente odeur de vinaigre dont les restaurateurs doivent d'ailleurs se protéger avec des masques et des gants.

Anne Donadini