Tortures, menaces, disparitions: bienvenue en Egypte

Il se déplace le plus souvent de nuit. Lorsque les rues du Caire laissent un peu plus de place à ceux qui veulent se faire discrets. Mahmoud Hussein a passé 800 jours en prison et choisi de s’exprimer à visage découvert par conviction, pour mieux porter, dit-il, la voix de ceux qui sont encore détenus:

« Il y a 4 ans… Je portais un t-shirt avec le slogan « Pour un pays sans torture »… Les policiers m’ont arrêté et m’ont dit: c’est quoi ça? J’étais terrorisé, et je n’aurais pas du dire ça, mais j’ai répondu: le message me semble clair, non? Alors, pendant plusieurs jours, ils m’ont fait une démonstration de ce qu’ils savent faire en matière de torture… »

Accusé d’atteinte à la sécurité de l’état, il est frappé, électrocuté, forcé de confesser son crime sous la torture, à la veille de ces 18 ans. Une photo de la police le montre menotté à d’autres détenus, vêtu du fameux t-shirt. A plusieurs reprises, il est changé de prison sans même que ses avocats ou sa famille en soit informés:

« Quand ils me changeaient de prison, j’inscrivais le numéro de mon frère ou de ma soeur sur un papier avec le nom de l’endroit où on me conduisait…… Et je le jetais par la fenêtre de mon fourgon en criant aux passants de prévenir ma famille…"

Brisé physiquement et psychologiquement, il est finalement relâché au bout de 2 ans et 2 mois et attend désormais la tenue de son procès. Depuis le coup d’Etat militaire du général Sissi en 2013, chaque année, des milliers de personnes sont -comme lui- arrêtées arbitrairement. Et les prisons égyptiennes sont des trous noirs où disparaissent des centaines de citoyens. Leur histoire atterrit dans le bureau de Mohammed Lotfy.

Son association a documenté 1290 disparitions en deux ans. Le plus souvent des leaders d’opinion que les services de sécurité veulent mettre au pas. Avocats, journalistes, leaders associatifs, les arrestations se multiplient. Mohammed Lotfy a, lui-même, dû se cacher plusieurs fois pour éviter d’être interpellé.

Avant lui, un homme incarnait la voix des disparus: Ibrahim Metwally, filmé l’an dernier par une équipe d’Envoyé Spécial. Il recherche son fils, Amr depuis 4 ans et a pris la tête des familles qui comme lui, réclament des nouvelles de leurs proches disparus. Arrêté en septembre, il a été torturé et se voit accusé de propager des fausses informations. Son fils cadet a choisi de prendre le relais de ce combat médiatique:

« Si on ne parle pas aujourd’hui, on perdra du terrain progressivement… Et on donnera au pouvoir l’occasion de multiplier les méfaits… La situation se dégradera encore et les gens mourront dans des prisons secrètes, sans que personne n’ait les moyens de prouver comment ils sont morts »

En 4 ans, 60 000 personnes ont été emprisonnées en Egypte en raison de leurs convictions politiques ou pour avoir dénoncer les dérives sécuritaires du régime Sissi.

Publié par france2middleeast / Catégories : Egypte