Russie: la fraude électorale pour les nuls

On pensait qu'avec l'installation de cameras de surveillance dans les bureaux de vote la fraude, massive, que la Russie avait connue aux législatives de 2011 n'allait pas se répéter. On pensait aussi qu'avec un président, Vladimir Poutine, dont la cote de popularité est à 82% d'opinions favorables son parti, Russie Unie, n'avait aucun besoin de tricher pour remporter un maximum de sièges à la Douma. On s'est trompé.

Car, certes, les législatives du 18 septembre sont moins entachées d'irrégularités que les précédentes. Mais il y a en eu. Et des flagrantes.

Prenez par exemple ce bureau de vote à Rostov sur le Don. Et regardez ces femmes à droite de l'écran:

Et de une. Et de deux:

Tout cela sous l'objectif des cameras de surveillance.

Il y a de nombreuses manières de tricher aux élections en Russie. L'une d'entre elles porte le joli nom de carrousel. La façon de procéder réclame un peu d'anticipation et quelques moyens financiers:

Vous prenez des gens en âge de voter et en manque d'argent. Dans ce pays, ça ne manque pas. Vous faites établir à leur nom un document certifiant qu'ils seront en déplacement le jour du vote et ne pourront pas accomplir leur devoir électoral dans leur bureau de vote habituel. Vous leur en faites ensuite établir un second. Puis un troisième. Puis un quatrième. Et ainsi de suite. Le jour venu vous rassemblez vos électeurs zélés, les entassez dans un bus et leur faites faire le tour des bureaux de vote de la circonscription. A chaque fois, sans la moindre difficulté, sans qu'on leur pose la moindre question, ils signent le registre et glissent leur bulletin dans l'urne. Il ne vous reste plus ensuite qu'à les payer. De 500 à 1000 roubles, dit-on. Soit de 7 à 14 euros.

Vous avez compris la théorie ? Maintenant regardez comme ça se passe en vrai:

C'était ce dimanche dans l'Oural. Des images filmées par des journalistes locaux indépendants qui, au fil de la journée, ont suivi l'un de ces minibus rempli d'électeurs à répétition.

Dire que ces petites magouilles ont eu un impact sur le résultat final de cette consultation serait évidemment exagéré. La parti Russie unie, grand vainqueur de l'élection, bénéficie incontestablement de l'immense popularité de Vladimir Poutine et du soutien sans faille des médias contrôlés par le Kremlin. Mais à l'évidence certaines habitudes ont la vie dure et localement tel ou tel candidat a dû craindre de ne pas être réélu et préférer assurer ses arrières.

La commission électorale centrale a, bien entendu, été saisie de ces différentes fraudes. Sa présidente, Ella Pamfilova, a annoncé que la police allait enquêter mais elle a aussi assuré que ces quelques exemples de tricherie ne remettaient pas en cause la validité du scrutin.